L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Historiographie  

Les Guerres de mémoires - La France et son histoire
de Pascal Blanchard , Isabelle Veyrat-Masson et Collectif
La Découverte - Poche 2010 /  12 €- 78.6  ffr. / 335 pages
ISBN : 978-2-7071-6011-9
FORMAT : 12,5cm x 19cm

Préface de Benjamin Stora

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.


La fièvre des mémoires

«Après des périodes de grandes fièvres – soulèvements, guerres, révolutions, massacres, génocides – les sociétés accumulent des silences pour faire en sorte que tous les citoyens poursuivent leur vie ensemble. Ce n'est qu'ensuite que les mémoires douloureuses remontent à la surface des sociétés. Et parfois, alors, des conflits commencent» (p.7). Cette concurrence des mémoires que décrit Benjamin Stora est le sujet de l'ouvrage Les Guerres de mémoires - La France et son histoire, dont Thomas Blanchard et Isabelle Veyrat-Masson ont dirigé la préparation.

Ce livre, qui est le fruit des recherches de vingt-cinq spécialistes de l'histoire contemporaine française, vise à réfléchir à l'objet même de ces guerres de mémoires et de les penser dans une perspective à la fois historique et médiatique. A cet effet, les auteurs ont dessiné «une temporalité mémorielle, qui débute avec le Centenaire de la Révolution française en 1889 (à la veille des affaires Dreyfus), traverse tout le XXe siècle, et s'engage dans un nouveau siècle au carrefour de plusieurs batailles de mémoires» (p.15).

Disséquant d'emblée les méandres du clivage histoire-mémoire, Thomas Blanchard et Isabelle Veyrat-Masson reviennent sur les développements de l'historien Henry Rousso. Si celui-ci définit en effet la mémoire comme «un vécu qui sacralise les souvenirs en les mythifiant», il considère l'histoire comme «une construction savante fondée sur un discours critique offrant certes une sélection de faits, mais aussi une structuration du récit». Certes, les deux notions sont bel et bien distinctes, mais on ne doit pas chercher à les opposer en permanence. D'ailleurs, ces dernières années, elles n'ont eu de cesse de «se brouiller et de s'entrechoquer» (p.16).

A la fin de leur exorde, les auteurs précisent que «ce rapport entre communication, mémoire et histoire, au moment où le mirage de l'identité nationale s'impose à nous, est bien (...) un des enjeux majeurs de notre temps. Enjeu médiatique, mondialisé, mais aussi citoyen. En connaître les mécanismes et les permanences (...) permet d'intervenir dans ce chassé-croisé et surtout de rester vigilant. Afin d'éviter que la mémoire soit l'apanage des politiques et des médias ; et l'histoire du seul ressort de l'université et des historiens» (pp.48-49). Telle est la louable ambition du livre.

Pour ce faire, les contributions des auteurs se concentrent, dans un premier temps, sur «les territoires des guerres de mémoires dans le siècle» (p.51). Ainsi, ces derniers commencent par aborder le traitement des événements majeurs qui ont émaillé l'histoire de France, puis se focalisent sur «les armes des guerres de mémoires : de l'école à Internet» (p.175). Si les articles de cet ouvrage sont inégaux, le tout est d'une excellente facture et permet d'explorer avec force détails le champ des guerres de mémoires hexagonales. Ce phénomène n'étant cependant pas propre à la France, peut-être eût-il été éclairant d'introduire par exemple dans cette véritable somme des développements sur l'Historikerstreit (la querelle des historiens) allemand et ses conséquences.

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 07/09/2010 )
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