L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Historiographie  

Histoire, critique et responsabilité
de François Bédarida
Complexe - Histoire du temps présent 2003 /  21 €- 137.55  ffr. / 358 pages
ISBN : 2-87027-982-5
FORMAT : 12x22 cm

Présentation d’Henry Rousso. Textes choisis par Michel Trebitsch et Gabrielle Muc.

L'auteur du compte-rendu: Sébastien Laurent, agrégé et docteur en histoire, est maître de conférences à l’Université Bordeaux III et à l’IEP de Paris. Chargé d’études au Service historique de l’armée de terre, il consacre ses recherches depuis plusieurs années aux services de renseignements militaires et policiers aux XIXe et XXe siècles. Il est le fondateur de la section "Histoire & sciences sociales" de Parutions.com.


Une vie pour l’histoire

Le nom de François Bédarida, disparu il y a deux ans, restera associé à des entreprises historiques de grande ampleur, aux fortes résonances sociales. Que ce soit l’Institut d’Histoire du Temps Présent, laboratoire du CNRS dont il fut le premier directeur en 1978, ou la commission d’historiens réunie en 1992 pour étudier l’attitude de l’Eglise et du clergé à l’égard de Paul Touvier, ou encore le Comité international des sciences historiques dont il fut pendant dix ans le secrétaire général, l’œuvre historienne de Bédarida a croisé à de nombreuses reprises des enjeux de société importants. La carrière historique particulière qui fut la sienne reflète une constante : la volonté d’assurer un lien étroit entre étude du passé et compréhension du temps présent. Michel Trebitsch et Gabrielle Muc ont ainsi réuni vingt et un articles, études ou discours, écrits ou prononcés pendant les dix dernières années de sa carrière, ainsi que la bibliographie de François Bédarida comptant plus de deux cent cinquante références.

Le choix opéré par les concepteurs du volume parmi les travaux de la dernière décennie met logiquement en avant la réflexion personnelle d’un historien, à cheval entre la philosophie de l’histoire et l’épistémologie, après plus de quarante ans de travail. Il y est autant question d’histoire, de mémoire que du statut et du rôle de l’historien dans la société. Défenseur de la notion «d’histoire du temps présent», Bédarida en montre les difficultés – notamment la première, qui fut de s’imposer – mais aussi l’incontestable renouvellement qu’elle a apporté à l’histoire contemporaine. Le lecteur, en suivant la pensée de Bédarida, est inévitablement marqué par un fait majeur : la transformation du rôle joué par l’historien dans la société au cours des quinze dernières années. Là où l’historien se contentait d’assurer la transmission d’un savoir constitutif du socle de l’enseignement républicain, il assume désormais un «rôle social» nouveau (cf. le passionnant livre d’Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l’historien. De la chaire au prétoire, Albin Michel, 2003) dans lequel on lui demande d’assurer la transmission de la mémoire (bien éloignée du savoir), voire de se présenter comme expert dans les prétoires.

Le choix qui, intelligemment, ne masque pas quelques répétitions d’une étude à une autre, révèle également la façon de travailler de Bédarida ainsi que la prégnance de certains thèmes dans les dernières années de sa vie. L’on y voit un homme très préoccupé de défendre le renouvellement historique apporté par l’histoire du temps présent. Hostile au néo-positivisme apparu au milieu des années 1990 face à la découverte des gisements d’archives en Europe de l’est autant qu’aux théories post-modernistes niant la possibilité comme l’intérêt d’écrire l’histoire, François Bédarida a défendu une écriture de l’histoire attachée aux principes de réalité et de vérité. Cette grande et simple leçon d’histoire présentée dans Histoire, critique et responsabilité demeure d’actualité.

Sébastien Laurent
( Mis en ligne le 22/10/2003 )
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