L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Mon père, ce harki
de Dalila Kerchouche
Seuil 2003 /  19 €- 124.45  ffr. / 260 pages
ISBN : 2-02-056339-8
FORMAT : 15x22 cm

Préface de Jacques Duquesne.

L'auteur du compte rendu : actuellement en DEA à Paris-I, Bastien Lestang est historien américaniste.


L'histoire d'un Harki : pour en finir avec les oublis de la mémoire collective

Dalila Kerchouche, née en 1973 dans un camp de harkis, est actuellement journaliste à l’Express. Elle nous parle de ces harkis sans voix, ceux qui se sont murés dans le silence imposé ou non. Le présent ouvrage n’a pas de prétention à proprement parler historique, il est plutôt un témoignage sur les conditions de vie des supplétifs FSNA (Français de souche nord-africaine) ainsi que leurs familles lors de leur arrivée en France. Réquisitoire ou simple biographie familiale sur le drame de la «communauté harkie» ?… Voire plus...

L’observateur averti de l’histoire de la guerre d’indépendance de l’Algérie sait la tragédie harkie survenue en 1962. Ce que l’on sait moins, c’est l’accueil réservé aux familles rescapées à leur arrivée en France. Par décision du pouvoir gaulliste, des dizaines de milliers de familles se sont retrouvées parquées à l’écart du reste de la population dans des conditions très similaires à celles des réfugiés de la guerre civile espagnole.

La famille de l’auteur est l’une d’entre elles. Dalila Kerchouche s’efforce de reconstituer, au fil des camps où vécurent ses parents, des décennies d’exclusion politique, économique et sociale : on découvre la faim, le froid, l’insalubrité des camps, mais aussi la discipline quasi militaire, la corruption, les mauvais traitements infligés aux familles, qui constituaient le lot quotidien de ces Français musulmans. Les conséquences sociales furent et sont encore aujourd’hui plus que préoccupantes : suicides, mortalité infantile, chômage, difficultés d’intégration dans une société qui a parfois du mal à différencier ces Français «par le sang versé» des «jeunes» des cités en rupture d’intégration.

La deuxième partie du livre est le récit d’un voyage de l’auteur en Algérie sur les traces du combat de son frère au sein de l’armée française. C’est là où, à en croire le témoignage de l’auteur, les motivations d’engagement dans l’armée française étaient très diverses : économiques, par dégoût des atrocités du FLN, volonté de protéger sa famille… C’est en Algérie que Dalila Kerchouche découvre que son père avait aidé le FLN !
Que l’on soit traître ou héros, on découvre dans toute son ampleur que la réalité harkie est traversée par des réalités plus complexes que le traditionnel antagonisme franco-algérien de la décolonisation!

Ce livre est aussi une introspection psychanalytique sur les origines : d’un sentiment de honte, Dalila nous mène à l’idée que son père «était simplement un homme tourmenté par sa conscience, portant l’uniforme français mais dont le cœur penchait vers l’Algérie indépendante».
Mon père, ce harki est le premier ouvrage sur la question harkie, qui, semble-t-il, ne prétend pas prendre parti, sans pour autant devenir un ouvrage à caractère historique. Il rappelle simplement qu’il existe en chacun de nous cette zone d’ombre, parfois difficile à admettre lorsqu’on a été habitué à la légende dorée de la guerre d’Algérie.

Bastien Lestang
( Mis en ligne le 07/01/2004 )
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