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Sermons des dimanches et des fêtes - Tome 2. Du premier dimanche après la Pentecôte au seizième dimanche après la Pentecôte
de Saint Antoine de Padoue
Cerf - Sagesses Chrétiennes 2006 /  49 €- 320.95  ffr. / 554 pages
ISBN : 2-204-08116-7
FORMAT : 14,0cm x 20,0cm

L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé d’histoire ; il est actuellement allocataire-moniteur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, où il prépare une thèse en histoire médiévale sur «les fondements bibliques du discours ecclésiastique sur riches et pauvres aux XII-XIIIe siècles».

Une pratique de la lecture biblique

La première traduction française des sermons d’Antoine de Padoue, réalisée sur l’édition latine qui fait autorité, se poursuit à un rythme soutenu, puisque paraît déjà le deuxième volume.

Il est constitué d’un ensemble de seize longs sermons qui vont du premier au seizième dimanche après la Pentecôte, ce que l’Église appelle aujourd’hui le temps ordinaire. La méthode d’Antoine de Padoue est identique à celle du premier volume : c’est celle de la «concordance», qui établit systématiquement des liens entre le passage évangélique commenté, des lectures vétérotestamentaires, des épîtres, des chants liturgiques, et des propriétés des éléments naturels. Ainsi, ces sermons reconstituent une vaste unité entre le monde, l’homme et l’Écriture.

Cette impressionnante construction conduit à l’affirmation de quelques principes, essentiellement moraux. En effet, «le prédicateur doit extraire des mamelles des deux Testaments le lait du récit, afin d’obtenir le beurre très doux de la moralité» (p.256), et il est plus important d’insister sur celle-ci que sur l’élucidation de la foi qui, «par la grâce de Dieu, est répandue dans le monde entier» (id.). Cette moralité consiste en une conception de l’homme, dans laquelle la raison doit dompter les impulsions de la chair ; une conception de l’Église, dans laquelle la prédication tient un rôle central ; une conception de la pratique religieuse, qui place en son cœur, comme un leitmotiv qu’aucun sermon n’oublie, l’exercice de la pénitence.

La virulence de certains passages contre les prélats («Il faut remarquer que comme les ours ont une tête faible, les prélats de l’Église ont un esprit sans force, incapable d’opposer résistance aux tentations du démon, tandis que dans leurs bras et leurs flancs est très grande la force du vol et de la luxure. Ils guettent les ruches des abeilles, c’est-à-dire les maisons des pauvres ; ils sont surtout gourmands des rayons de la louange et de la vaine gloire», p.120), les riches («Heureux les yeux que le fumier des richesses n’aveugle pas», p.403), les puissants («Qui aurait pu imaginer cela, que les princes et les grands de la terre, les prélats et les religieux, qui semblent parler avec Dieu face à face, qui tiennent les clés du Royaume des cieux, soient conduits vers l’exil de la mort éternelle ?», p.370), les hypocrites (magnifiquement comparés aux hyènes, pp.230-231), rappelle combien la parole d’un saint n’est pas nécessairement doucereuse et lénifiante.

Mais si le message peut paraître simple, ce n’est pas une prédication facile à lire. Le texte, entièrement fondé sur des comparaisons et des rapprochements de passages bibliques différents, est une magnifique construction intellectuelle, servie par une écriture toujours imagée. Mais il peut en devenir très déroutant et nécessite, pour être compris, une très vive attention, ou une grande intimité avec les Écritures. Nous pouvons d’ailleurs nous demander si ce n’était pas là l’intention première du saint : inciter les auditeurs à se nourrir de la Parole, à «s’asseoir près de l’enclume, c'est-à-dire [près] de l’étude et de la pratique de la Sainte Écriture» (p.363). Ce livre est en effet d’abord une «pratique» des Écritures, et le comprendre nécessite une attention qui fait pénétrer le lecteur dans cette pratique de la Bible.

Les sermons proposent d’ailleurs un programme de lecture (outre les lectures évangéliques, ce sont les livres des Rois pour les huit premiers sermons, les livres de Salomon pour les quatre suivants et ensuite le livre de Job), et constituent ainsi une invite à lire ou relire la Bible avec ou à la suite d’Antoine de Padoue.

Emmanuel Bain
( Mis en ligne le 04/01/2007 )
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