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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Politique, guerre et fortification au Grand Siècle - Lettres de Louvois à Louis XIV
de Louvois , Thierry Sarmant et Nicole Salat
Société de l’histoire de France Service historique de la Défense 2007 /  39 €- 255.45  ffr. / 320 pages
ISBN : 9782354071042

L'auteur du compte rendu : Archiviste paléographe, Rémi Mathis est conservateur stagiaire des bibliothèques, en formation à l’ENSSIB. Il prépare une thèse de doctorat sur Simon Arnauld de Pomponne à l’Université de Paris-Sorbonne, sous la direction de L. Bély.

Thierry Sarmant collabore à Parutions.com


Regards sur le dur métier de roi

Les ouvrages sur Louis XIV, Versailles ou le Grand Siècle sont innombrables. Pourtant, bien des facettes du règne demeurent mal connues. Les modalités de la prise de décision demandent encore largement à être éclaircies, tout comme le travail du roi avec ses ministres et grands serviteurs. Dans le domaine de la Guerre, la réalité de la «stratégie de cabinet» est toujours questionnée. Le retour aux archives étant toujours le meilleur moyen d’apporter du nouveau et de fonder sa réflexion sur de nouvelles bases, l’intérêt des éditions de texte, qui offrent au plus grand nombre, sous une forme travaillée et commode des documents de première importance, est évident. Or, bien peu de documents administratifs ont été publiés jusqu’à ce jour. La plupart se trouvent cités au hasard des études consacrées aux ministres ou au roi mais, mis à part l’édition des papiers de Colbert par Clément (1861-1882), les éditions de texte en tant que telles manquent cruellement aux historiens.

Ce volume contient donc les lettres que Louvois, secrétaire d'État de la Guerre et sans doute le plus influent ministre de l’époque, envoie périodiquement à son maître, entre 1679 et 1691. On peut regretter que la fourchette des dates ne soit pas plus large mais raisons intellectuelles et pratiques viennent justifier ce choix. Ce sont donc 163 lettres qui nous sont proposées, des lendemains de la paix de Nimègue – apogée de la puissance louis-quatorzienne – à la mort de Louvois. Nicole Salat, chef de la section des archives techniques du Service historique de la Défense et Thierry Sarmant, ancien conservateur en chef des archives anciennes du même dépôt, se sont chargés de l’édition de ces lettres pour la Société de l’histoire de France. L’édition est d’une très grande qualité scientifique : d’abondantes notes de bas de page viennent éclaircir un texte parfois aride ou allusif, parfois grâce à la mise en œuvre de documents inédits (dont la correspondance de Vauban). Elle comprend également un index très précis, qui est d’une grande aide dans la consultation.

Ces lettres sont particulièrement importantes car l’essentiel du travail était alors oral et le ministre n’écrivait à son roi que lorsqu’il en était séparé. Elles constituent donc le seul témoignage des méthodes de travail et des affaires traitées au Conseil ou lors des séances de travail en tête-à-tête. Des thèmes très divers sont abordés. Louvois reçoit lui-même une ample correspondance, dont il fait part au roi, en lui envoyant les lettres les plus importantes et en résumant les autres : il n’hésite d’ailleurs pas à empiéter sur son collègue des Affaires étrangères ou celui de la Maison du roi lors de l’Affaire des poisons. Mais – hormis les lettres qui touchent à la construction de Versailles ou de Marly – la plupart des informations touchent à la guerre, entendue au sens le plus large. Les fortifications y tiennent la part du lion, Louvois jouant le rôle d’un véritable directeur des fortifications, relais de Vauban auprès du roi. On voit ainsi à l’œuvre un Louis XIV, qui n’est certes pas un grand chef de guerre mais plutôt un officier d’état-major, capable de se tenir informé des événements militaires, de lire des rapports circonstanciés afin de déterminer la conduite à tenir.

Il ne faut cependant pas chercher dans ces lettres une quelconque pensée ou un programme politique et guerrier. Elles ont avant tout par but d’informer le roi lors de grandes tournées d’inspection des places fortes, alors que la politique des Réunions bat son plein, ou, plus tard, de faire le point sur l’état des divers fronts et le résultat des batailles de la guerre de la Ligue d’Augsbourg.

L’édition de ces lettres marque sans aucun doute un premier pas qui devrait être suivi par d’autres. Dans le seul domaine de la guerre, les dépôts de Vincennes conservent des milliers de documents peu consultés, qui gagneraient à être étudiés de plus près : Th. Sarmant suggère l’édition de la correspondance de Louis XIV avec ses généraux pendant les guerres de la Ligue d’Augsbourg et de Succession d’Espagne. Ces correspondances intéressent avant tout les spécialistes et les bibliothèques, certes, mais elles constituent un apport indéniable à la connaissance de la période sous tous ses aspects.

Rémi Mathis
( Mis en ligne le 08/10/2007 )
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