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Essais & documentset Spiritualités  

Verbe incarné contre sexe tout-puissant
de Jean Cardonnel
Editions Indigène 2005 /  15 €- 98.25  ffr. / 128 pages
ISBN : 2911939514
FORMAT : 15 x 21 cm

Peut-on en même temps se donner à l’humanité et haïr ses frères ?

Il y a des livres qui sont une énigme. Celui-ci en fait partie. L’auteur, Jean Cardonnel, moine dominicain de 85 ans, est une figure atypique de l’Église par son engagement social et sa liberté totale de parole. Avec Verbe incarné contre sexe tout-puissant, il poursuit l’œuvre de sa vie : dénoncer le pouvoir, toutes les formes d’oppression et donner sa vision personnelle du message du Christ, le Verbe : une source de libération et une voie d’humanité fraternelle.

Dans cette entreprise, Cardonnel excelle : sa relecture dépoussiérante des Évangiles est passionnante. « Le Royaume des Cieux n’a rien à voir avec une vérité établie, installée, avec un dogme, une doctrine, encore moins un catéchisme. C’est l’histoire passionnante et passionnée de la montée des plus hautes aspirations humaines en vue de l’avènement d’une humanité fraternelle. » Il aborde sans détour des questions peu banales chez un prêtre : la sexualité, qu’il voit comme un instrument d’aliénation utilisé par le Pouvoir. La chasteté : « Mon choix de la chasteté, donc de ne pas vivre en couple, s’enracine non pas dans le sacerdoce, non pas dans l’opposition à l’union amoureuse, mais dans le don de tout moi-même à la tâche de diffusion d’une humanité fraternelle. La Parole, le Verbe, c’est mon amour, mon foyer, mon métier. »

Si son entreprise s’arrêtait là, tout serait parfait. Le problème, c’est que cet homme rebelle a été expulsé de son couvent il y a deux ans, visiblement parce que sa « parole » dérangeait trop. Profondément meurtri par ce drame personnel, Cardonnel utilise son livre comme support de règlement de comptes personnels, n’hésitant pas à faire le récit détaillé… et sordide de son expulsion. Dans sa dénonciation du Pouvoir, du côté duquel s’est toujours rangée l’Église (rien à redire là-dessus), il mêle sa rancœur inextinguible et transforme un débat d’idées en descente en règle de personnes, nommément citées. Il se dégage de ce livre une telle aigreur qu’on a du mal à faire le lien entre le moine engagé, intègre, et l’homme blessé, qui a besoin de défouler sa souffrance dans une vengeance publique. Voilà l’énigme.

Marie-Pierre Noguès
( Mis en ligne le 11/03/2005 )
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