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Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud
de Emmanuel Venet
Verdier 2006 /  5.50 €- 36.03  ffr. / 42 pages
ISBN : 2-86432-469-5
FORMAT : 14x22 cm

L'auteur du compte rendu : Antoine Bioy est docteur en psychologie et psychologue clinicien. Il vient de co-signer l'ouvrage Souvenirs d'anorexie (éditions K&B, mai 2006).

Une vie sans (électro) choc

Emmanuel Venet, psychiatre, a déjà publié en 2005 aux éditions Verdier un Précis de médecine imaginaire (chroniqué sur ce site). Il nous propose ici d’approcher la vie de Gaston Ferdière, à la fois médecin et poète.

Le nom de Ferdière est incontestablement associé à celui d’Antonin Artaud, qu’il reçut et soigna à l’hôpital de Rodez de 1943 à 1946. Il lui administra «le» traitement alors en vogue : la sismothérapie, inventée en 1938 par Cerletti, autrement dit des électrochocs. Certains ont vu dans cette pratique une influence externe mais majeure au style du célèbre poète (voir Florence de Mèredieu, Sur l’électrochoc : le cas Antonin Artaud, Paris, Blusson Editeur, 1996). En tout cas, à partir de ce «cas», Ferdière fut décrié et présenté, nous dit Emmanuel Venet, comme un médiocre «aliéniste» et un «père-la-morale». Une image à cent lieux de la réalité de l’homme, dont Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud s’attache a contrario à montrer l’humanité, la sensibilité et la compétence. La thèse principale est qu’il ne réussit à s’imposer ni comme médecin, ni comme poète. Deux vocations semblant souvent opposées, et qu’en tout cas le psychiatre rodézien n’a pas su concilier.

Si Emmanuel Venet rend incontestablement le personnage de Ferdière sympathique, il le doit en grande partie à la qualité de son style littéraire. Si le psychiatre d’Antonin Artaud n’a pas brillé par ses qualités de poète, son collègue signataire du présent ouvrage possède quant à lui un véritable talent d’écriture et de conteur. Le style n’empêche pourtant pas de regretter que l’ouvrage ne bénéficie pas parfois plus de données historiques, qui auraient permis de mieux justifier l’argument de l’ouvrage : la défense d’un psychiatre injustement maltraité.

L’ouvrage fait cependant mouche : on se surprend à vouloir en connaître d’avantage sur la vie et l’œuvre du personnage de Ferdière, même si l’auteur nous assure qu’il n’a pas laissé grand-chose de ses travaux accomplis. Mais transformer la vie d’un psychiatre souvent présenté comme un «être-anecdote» (le soignant d’un poète célébrissime) en héros d’une très courte biographie rédigée avec un tel talent stylistique, voilà une belle prestation. On peut la voir comme la plus belle des revanches pour ce psychiatre peu connu, ou, à l’inverse, comme la répétition involontaire d’un fait : Ferdière fait finalement parler de lui au travers du talent des autres…

Antoine Bioy
( Mis en ligne le 02/06/2006 )
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