L'actualité du livre
Sciences, écologie & Médecineet Ecologie & nature  

Invasions biologiques et extinctions - 11 000 Ans d'histoire des vertébrés en France
de Michel Pascal , Olivier Lorvelec et Jean-Denis Vigne
Belin 2006 /  34 €- 222.7  ffr. / 350 pages
ISBN : 2-7011-3628-8
FORMAT : 18,5cm x 28,5cm

Préface de Daniel Simberloff.

L’auteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé d’Histoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur l’histoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif.


Une actualité envahissante

S’il est aujourd’hui un sujet essentiel en matière d’écologie, c’est bien celui des invasions biologiques et des extinctions. En effet, avec les 200 ans d’industrialisation qui ont donné à l’homme une puissance historiquement inégalée, les espèces animales ont connu des dynamiques nouvelles. Certaines ont purement et simplement disparu, massacrées comme le Grand Pingouin. D’autres se sont raréfiées. D’autres encore ont été transplantées, introduites, avec plus ou moins de bonheur. L’exemple le plus connu des introductions malheureuses est l’aventure du lapin en Australie.

Avec le réchauffement climatique, tous ces thèmes ont pris une acuité particulière. Non content d’agir directement, par la destruction le plus souvent, sur les espèces ou sur leurs milieux, l’homme a désormais le pouvoir de modifier le climat. Ce qu’il est d’ailleurs en train de faire allègrement. Conséquence : les écosystèmes doivent relever le défi d’une adaptation extrêmement rapide, par rapport à leur échelle de temps, aux nouvelles conditions climatiques. La répartition des espèces, et des écosystèmes, est en passe d’être transformée voire bouleversée. Ce n’est pas pour rien que de grandes associations scientifiques et naturalistes comme la Société Nationale de Protection de la Nature se préoccupent de plus en plus de ces phénomènes. Ce n’est pas pour rien que des journées d’études ont récemment été organisées à Paris sur le thème des espèces invasives. Cet ouvrage est donc bien au cœur des problématiques actuelles à la fois écologistes et naturalistes.

La qualité scientifique est irréprochable, les auteurs prenant soin de décrire précisément leurs méthodes et leurs approches dans les premières parties de l’ouvrage et de justifier tous leurs choix ; parties peut-être un peu obscures au profane mais elles légitiment l’ensemble. Les monographies, par contre, sont rédigées dans une langue maîtrisée mais simple et claire. Elles sont véritablement accessibles à tous ; carte et représentation de l’espèce venant au surplus agrémenter l’ensemble.

L’immense intérêt de l’ouvrage ne réside pas uniquement dans sa qualité scientifique. Son objet aussi s’avère déterminant. En effet, les auteurs ont choisi de mettre en perspective les dynamiques territoriales des vertébrés en France depuis 11 000 ans, c’est-à-dire de la Préhistoire jusqu’à nos jours. Nous avons ainsi une vision globale des phénomènes d’invasions et de disparitions. On remarque ainsi que toutes ne sont pas la faute de l’homme, loin s’en faut. Mais on perçoit bien aussi l’accélération récente impulsée par l’anthropisation du monde.

Pour clarifier leur propos, les auteurs ont défini plusieurs catégories et classé les espèces selon ces critères : espèces éteintes (disparition de France mais aussi du monde) ; espèces disparues (elles ne sont plus présentes en France mais existent encore ailleurs) ; espèces autochtones de retour (la durée de l’absence varie ici selon les espèces de plusieurs milliers d’années à quelques dizaines) ; espèces autochtones en expansion ; espèces allochtones ; espèces aux frontières (elles sont susceptibles de s’installer en France).

Le constat et la somme des connaissances sont tout bonnement impressionnants et rendent ce livre indispensable. Il est décidément très complet et véritablement porteur de sens et d’analyses. Mais, finalement, on se rend compte qu’on ne connaît que très peu les motifs et raisons des invasions. Nul doute que ce sont des pistes de recherches à entreprendre. En tout cas, le caractère indispensable de celles-ci est bien posé à la lumière de ce livre selon la maxime «connaître pour agir». Ne doutons pas qu’une actualisation dans dix ans est d’ores et déjà à prévoir car nécessaire. En effet, il sera plus qu’intéressant de constater les évolutions sur une durée apparemment si courte. Déjà l’article sur la Perruche à collier est en partie dépassé : en deux à trois ans, cette espèce semble s’être désormais bien établie dans tout le sud de la région parisienne et particulièrement des Hauts-de-Seine. On en trouve dans tous les parcs municipaux et départementaux. Et ce n’est pas la douceur de l’hiver de cette année qui freinera cette avancée.

Pour terminer, une critique : les cartes représentant les espèces autochtones en expansion sont mal conçues car elles ne figurent que l’aire de répartition «conquise». Il nous semble indispensable de faire aussi figurer, en grisé par exemple, l’aire d’occupation originelle. Mais rappelons pour finir le plaisir que l’on a à parcourir ou à lire intégralement ce livre qui deviendra vite, c’est évident, un ouvrage de référence pour les spécialistes aussi bien que pour les naturalistes ou les curieux de nature. A recommander et à mettre entre toutes les mains !

Rémi Luglia
( Mis en ligne le 15/05/2007 )
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