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Poches -> Littérature |
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Quelques moments de solitude | | | Jordi Soler La Dernière heure du dernier jour 10/18 - Domaine étranger 2010 / 7,40 € - 48.47 ffr. / 230 pages ISBN : 978-2-264-04976-6 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication française en août 2008 (Belfond)
Traduction de Jean-Marie Saint-Lu. Imprimer
Jordi Soler, auteur né au Mexique et vivant à Barcelone, met en scène dans La Dernière heure du dernier jour un narrateur exerçant le métier décrivain à Barcelone au moment où il retourne dans son Mexique natal. Lautobiographie nourrit le roman et Soler poursuit ainsi luvre entreprise dans Les Exilés de la mémoire (Éditions 10/18, août 2008), celle de revisiter son histoire personnelle et familiale en la mêlant à des éléments fictionnels, soffrant ainsi lopportunité dune réflexion sur cette histoire, sur le lien et sur la transmission. Dans cette perspective, la narration senroule autour dun rapport à la temporalité complexe et riche. Plusieurs époques se mêlent, le fil du récit est parfois suspendu, des évènements sont annoncés et leur survenue, différée.
Pour le narrateur, ce voyage dans lespace est donc loccasion dun retour dans le temps. Sur les lieux de sa jeunesse il reconstruit, non sans trouble, les scènes de lépoque et celles qui ont précédé sa naissance, telles quelles lui ont été léguées par la tradition orale et photographique familiale, mais aussi communautaire. En effet, ces lieux de jeunesse correspondent à un établissement de matrice coloniale dénommé La Portuguesa, fondé dans la jungle mexicaine par un groupe de républicains espagnols fuyant le franquisme. Cet établissement est devenu un lieu de vie pour quelques poignées de personnes réunies par des hasards, mais aussi par la suite un symbole ambigu, à la fois de fuite, de jours heureux et de colonisation. «Les descendants dun exilé héritent de cet exil durant plusieurs générations».
Au-delà dune chronique pleine dépisodes comiques, tragiques ou tragi-comiques, se dessine une vision rétrospective mêlant tendresse, fascination, et haut-le-cur. Soler et son narrateur doivent régler leurs comptes avec un passé sur lequel pèsent à la fois la grande Histoire, les légendes locales, les fêlures individuelles et les rapports entre groupes sociaux. En effet lexil de ces idéalistes politiques les a conduits à adopter eux-mêmes la position dexploiteurs, encore alourdie par la différence raciale. Ces tensions imbriquées sont illustrées par la froide objectivité de lappareil photographique : «Cet il ennemi illustre la collision entre les deux mondes qui peuplaient la plantation : les maîtres millénaires de cette terre face aux nouveaux maîtres ; les natifs contre les envahisseurs ; les Indiens qui servaient à ce banquet dominical en plein air pendant que les Blancs mangeaient, buvaient et riaient aux éclats».
Les républicains catalans ont développé à La Portuguesa un conservatisme qui paraît paradoxal et dont Soler ne parvient pas à se défaire dans sa narration, malgré cette acte de contrition. Sil ne fait confiance quà limposante, hypnotique et pittoresque chamane pour le soigner, ses rapports avec elle restent marqués par la mauvaise conscience des Espagnols qui nont été que des maîtres temporels et temporaires, alors que les indigènes restent ceux qui vivent dans une symbiose intemporelle avec la forêt. Le temps linéaire des Blancs doit savouer vaincu face à la temporalité en spirale des Indiens : «Les années de la Portuguesa navaient été quun moment dans lénorme étendue du temps, et là où je voyais destruction, décadence et ruine, eux ne voyaient que le retour à la normalité, à la forêt telle quelle avait toujours été».
Marc Lucas ( Mis en ligne le 21/05/2010 ) Imprimer | | |
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