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Bande dessinée -> Réaliste |
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Au cœur de l’insurrection | | | Joe Kubert Yossel - 19 avril 1943 Delcourt - Contrebande 2005 / 12.50 € - 81.88 ffr. / 124 pages ISBN : 2-84789-669-4 FORMAT : 17,5 x 26,5 cm Imprimer
Dans Yossel, Joe Kubert imagine ce quaurait pu devenir sa vie si ses parents navaient pu quitter la Pologne pour rejoindre lAmérique fin 1926. « Cest une uvre de fiction basée sur un cauchemar qui a réellement eu lieu », écrit lauteur de Sergent Rock dans la préface. Yossel est un jeune garçon dune quinzaine dannées qui vit avec sa sur et ses parents dans la petite ville dYzeran en Pologne. Passionné de comics américains, ladolescent passe son temps à dessiner les fantastiques exploits de super-héros en cape et collants. La vie de Yossel et de sa famille bascule lorsque les troupes de Hitler envahissent la Pologne. Les habitants dYzeran et des villes alentour sont alors déplacés vers les faubourgs de Varsovie pour former le plus important ghetto juif dEurope.
Pour Yossel, le dessin est une échappatoire à cette vie soudain devenue un véritable cauchemar. Son joli coup de crayon est même repéré par les Allemands qui samusent de ces supermen musclés et autres guerriers extraordinaires. Mais sattirer les bonnes grâces des officiers ne met pas sa famille à labri : ses parents et sa sur sont un jour déplacés vers ce camp de travail dont on ne parle quà demi-mots, Auschwitz. Plus tard, un rabbin évadé des camps de la mort rejoint le ghetto et raconte lhorreur, lindicible. Pour échapper à leffroyable génocide qui les guette, les habitants du ghetto se préparent alors à prendre les armes et à lancer linsurrection
Avec Yossel, Joe Kubert livre un album fort et nécessaire sur un sujet difficile. Si lon pense dabord inévitablement à Maus de Spiegelman, la lecture de Yossel élude rapidement la comparaison. Lorsque Spiegelman raconte son histoire et celle de son père, et traite de la Shoah à travers deux générations, Kubert invente un récit, basé sur une solide structure dramatique. Graphiquement, par ailleurs, Kubert et Spiegelman sont aux antipodes lun de lautre. Pour cet album, lauteur de Fax de Sarajevo (Vertige Graphic, 1997) a opté pour un parti pris graphique audacieux : tous les dessins sont en effet laissés à létat de crayonnés, il ny a pas dencrage. Comme si ce qui était présenté ici provenait directement des dessins du jeune Yossel. « (
) en exécutant mes premiers croquis, jai perçu dans mon trait un sentiment durgence que jai voulu conserver », explique Kubert. Au-delà du récit, les amoureux de dessin et de traits apprécieront donc avec plaisir ces planches crayonnées, parfois à peine esquissées, présentant encore les lignes de constructions et les repentirs.
La limite du livre repose pourtant dans ce mariage parfois compliqué des textes et du dessin. Tout au long du récit, il y a un décalage qui empêche lalbum de toucher pleinement sa cible : dun côté ces dessins au crayon, témoignage plus ou moins précis dune époque (les tics graphiques de Kubert sont présents et le poussent parfois a dessiner les prisonniers juifs aussi musclés que ses super-héros
), et de lautre des textes forts et précis, qui se suffisent à eux-mêmes. Lurgence dune part et le récitatif dautre part, comme un film muet aux cartons trop longs ; le pari de Kubert semble de fait ne pas être pleinement gagné. Reste une histoire forcément émouvante, racontée avec suffisamment dhonnêteté pour éveiller la conscience de nimporte quel lecteur.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 12/02/2005 ) Imprimer
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