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Bande dessinée -> Fantastique |
| Mathieu Gallié Jean-Baptiste Andreae La Confrérie du crabe - Première partie Delcourt - Terres de légendes 2007 / 12.90 € - 84.5 ffr. / 56 pages ISBN : 978-2-7560-0474-7 FORMAT : 23x32 cm Imprimer
Les premières pages évoquent un drame réaliste. Dans un hôpital pour enfants quon situerait volontiers dans les années 1930, cinq jeunes malades sapprêtent à passer sur le billard. Ils ont chacun « un crabe », qui les détruit de lintérieur. Mais il y a plus grave encore : Bernardino, laîné, prétend connaître une inquiétante vérité. Selon lui, les spécialistes nont quun objectif : récupérer et stocker tous les crabes pour pouvoir créer le monstre ultime, celui qui détruira le monde.
On croit lire une allégorie de la maladie, un enfant en danger qui réinterprète à sa manière le cancer et son combat quotidien. Et la caméra subjective qui nous permet de découvrir la situation en même temps que le petit nouveau ne manque pas démotion, en nous projetant à la place dun muet immobile, touché au cerveau. Mais curieusement, le fantastique ne cesse pas. À leur réveil après lopération, les enfants se retrouvent tous guéris, mais transportés dans un monde différent. Un hôpital qui semble revenu à une époque archaïque et moyenâgeuse, habité de créatures étranges et menaçantes. La mort rôde, et les cinq enfants doivent courir pour lui échapper, sans connaître les clefs qui régissent ce monde.
Ce mélange entre deux sphères est original : on passe du dialogue psychologique enfant/adulte au genre du voyage dans une dimension parallèle, sans perdre de vue lunité du mystère. La vraisemblance de lintroduction permet en tous cas dadhérer à cet univers fantastique, et de trembler vraiment avec ses héros. Le traitement ne change pas dune scène à lautre, expressionnisme en couleurs qui rend bien compte du réalisme de limage sans manquer de subtilité. Même les dialogues participent à leffet de réel, en reproduisant une gouaille fort sympathique.
On saccroche donc bien à la barre pour un voyage qui est également esthétique. Les jeux de lumière subtils de Jean-Baptiste Andreae sont particulièrement agréables pour lil et posent une ambiance que le dessinateur revendique proche du cinéma fantastique. On croise ainsi Max Schreck, le Nosferatu de Murnau, et un loup-garou quon croirait issu dun film de la Hammer.
Mais cette imagerie va de paire avec des héros banals, au contraire, humains sans être fades, ce qui est déjà un succès. On sent un goût pour les scènes lentes, pour les grandes vignettes, tout ce qui peut permettre de poser lambiance et de faire passer le frisson dans léchine au bon moment. Tout lalbum tient sur un huis clos dans ce château-hopital, qui acquiert lui-même une ampleur onirique en se caractérisant de quelques dimensions improbables : parc lugubre, tour aux chauves-souris innombrables, on retrouve lattirail de la maison hantée. Ce nest quà la dernière page quon découvre à la fois la lumière du jour et un autre décor : de quoi espérer une thématique nouvelle pour les prochains albums.
La série est prévue en quatre tomes. Si elle garde la ligne de létonnant et ne se laisse pas piéger par la galerie dimages, elle pourrait bien devenir une grande et belle bande dessinée fantastique.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 03/07/2007 ) Imprimer
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