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F. Dubet : 40 années de recherches, entre engagement et distance | | | François Dubet L'Expérience sociologique La Découverte - Repères 2007 / 8.50 € - 55.68 ffr. / 120 pages ISBN : 978-2-7071-5353-1 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
L'auteur du compte rendu : Sylvain Dzimira est docteur en sociologie. Chercheur associé au SOPHIAPOL, laboratoire de sociologie, danthropologie et de philosophie politiques à lUniversité Paris X Nanterre, il anime La revue du MAUSS Permanente. Imprimer
La collection «Repères» (La Découverte), aujourdhui dirigée par P. Combemale, fête avec éclat son 500ème numéro avec une introduction originale et précieuse à luvre de François Dubet. Originale, parce quelle est le fait de F. Dubet lui-même, qui parvient à illustrer sa sociologie en explicitant ses principales hypothèses, tout en restituant son parcours intellectuel. Précieuse pour les jeunes générations notamment, parce quelle expose clairement les débats théorico-normatifs qui ont animé la sociologie française à la fin des années 60. Précieuse encore parce que F. Dubet y assume des positions épistémologiques courageuses.
Au début de son ouvrage, F. Dubet semble placer sa sociologie sous le signe dune «posture» quil illustre au fil des pages, plus quil ne la définit. On sait simplement quelle était déjà plus ou moins celle de F. Dubet lorsquil était étudiant à Bordeaux quand il éprouvait de la sympathie pour le mouvement de Mai 68, sans adhérer à ses idéologies. F. Dubet se demande même ce que doit cette posture à son père, à la fois «syndicaliste et sceptique». On serait là, comprenons-nous, en présence dun sociologue ou plutôt dune sociologie à la fois engagée et en retrait (ou encore distanciée).
Engagé et distancié : cest bien ainsi quapparaît son positionnement théorique. Depuis ses premières recherches avec Alain Touraine sur les mouvements sociaux, jusquaux dernières sur la justice sociale, en passant par celles sur la banlieue et sur lécole (chacun des thèmes faisant lobjet dun chapitre), F. Dubet sengage dans un débat avec les deux camps qui dominent la sociologie dès les années 70, cest à dire celui des Boudon, Crozier et Friedberg dun côté et celui des Bourdieu, Passeron, Baudelot et Establet de lautre. F. Dubet se présente comme à la recherche dune troisième voie, qui préfère linvestigation empirique à la conceptualisation hâtive qui force les traits de la réalité. À lindividualisme méthodologique des uns et au holisme des autres, il oppose en quelque sorte la méthode de «lintervention sociologique», qui consiste, dans un souci dobjectivation des faits, à déplacer lobjet de linvestigation de lobjet en tant que tel (les mouvements sociaux) à la relation qui se noue entre le sociologue et son objet, les militants, à qui le sociologue soumet ses interprétations. Une méthode qui «compte plus à [ses] yeux aujourdhui que la théorie des nouveaux mouvements sociaux elle-même».
Engagée et en retrait : cest encore sous ce signe quapparaît sa sociologie dun point de vue plus normatif. «[La sociologie] est une forme dengagement», écrit-il, même quand elle se réclame de la sacro-sainte neutralité axiologique wéberienne : «Les sociologues ny échappent pas, y compris Weber qui distinguait si fortement le savant et le politique, alors quil a passé toute sa vie à se mêler de politique tout en étant un savant. Je me suis sans doute engagé plus que je ne croyais en choisissant mes objets plutôt du côté des dominés (
)». F. Dubet dit dailleurs avoir moins «voulu montr[er] quils étaient dominés quils existaient», goûtant assez peu la posture du porte-parole qui se pare des oripeaux de la radicalité. «Je préfère un meilleur monde possible au meilleur des mondes» quil voit porteur sinon du pire, du moins de grandes désillusions, car aux discours radicaux succèdent bien souvent des politiques sans principe ; un type dalternance qui fait de lui, confie-t-il, «un homme de gauche souvent malheureux». Néanmoins, F. Dubet ne désespère pas que la sociologie, celle quil pratique notamment, puisse infléchir le cours des choses par des canaux que le sociologue ne saurait maîtriser, ne serait-ce quen introduisant dans les débats «un principe de réalité» et en «rappel[ant] que tout nest pas réductible à la vie politique et aux lois de léconomie. [...]. Sans cette conviction, comme le disait Durkheim, rappelle-t-il, notre travail ne vaudrait pas une heure deffort».
Pour conclure : 40 années de recherches en 120 pages
Un ouvrage à ne pas manquer !
Sylvain Dzimira ( Mis en ligne le 29/04/2008 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Injustices de François Dubet , Collectif
Ailleurs sur le web :Lire la version longue de cette note suivie d’une correspondance avec F. Dubet sur le site Journal du MAUSS : | | |
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