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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Séline Gülgönen Des lyres et des cithares - Musiques & musiciens de l'Antiquité Les Belles Lettres - Signets 2010 / 13 € - 85.15 ffr. / 300 pages ISBN : 978-2-251-03010-4 FORMAT : 11cm x 18cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Le dixième volume de la collection ''Signets'' des éditions des Belles Lettres nous offre un choix de textes sur une activité qui occupait une place fondamentale dans la vie des anciens Grecs et Romains, à savoir la musique. Différents extraits des auteurs antiques ont été réunis et présentés par Séline Gülgönen, qui a soutenu en 2008, à lUniversité Paris Ouest Nanterre la Défense, une thèse sur la mimesis musicale dans luvre de Platon. Elle a également mené lentretien introductif avec Annie Bélis, directrice de recherches au CNRS, spécialiste de la musique ancienne et musicienne elle-même elle dirige lensemble Kérylos, créé en 1990 afin de pouvoir interpréter tout ce que lAntiquité grecque et romaine nous a laissé comme partitions, à laide dinstruments antiques reconstitués.
La première partie est consacrée aux instruments et aux différents modes et rythmes musicaux. Il existait dans lAntiquité une grande variété dinstruments que lon connaît grâce à des vestiges et de nombreuses sources textuelles et iconographiques. Dans la famille des instruments à vent, le plus répandu est laulos grec (dont léquivalent latin est la tibia). Cet instrument dont la paternité est attribuée au silène Marsyas, compagnon de Dionysos est constitué le plus souvent de deux tuyaux de tailles différentes, percés de trous. La syrinx ou flûte de Pan est formée de sept tuyaux droits à trous reliés aux autres. Les trompettes (salpinx) se développent surtout dans lEmpire romain. Dans la famille des instruments à cordes, le plus emblématique est la lyre (dont Apollon est le dieu tutélaire), où les cordes sont montées sur une carapace de tortue recouverte dune peau tendue. Dans la même famille on trouve le barbiton, sorte de grande lyre, des cithares de différents types, dont le point commun est une caisse de résonance en bois, leur ancêtre la phorminx, ainsi que des harpes. Les cordes de ces instruments sont en boyaux ou en tendons de buf ou de mouton. Il ne faut pas oublier de mentionner également les différents instruments de percussions : crotales (castagnettes de bois), cymbales, tambourins, sistres, ou tympanons.
Mais la musique ancienne étant essentiellement vocale, les instruments ont avant tout une fonction daccompagnement. Platon et Aristote mentionnent le plus souvent non pas des systèmes, mais des harmonies dont la dénomination renvoie à la région dorigine : le «dorien», le «phrygien» ou encore l«ionien». Les formes musicales étaient elles aussi très variées, depuis les poèmes homériques récités par des aèdes-chanteurs. A partir du VIIe s. av. J.-C., la musique chorale se développe à loccasion des fêtes religieuses ; fleurissent alors les hymnes, péans et dithyrambes liés au culte de Dionysos. Les périodes classique et hellénistique voient évoluer les modes musicaux et les genres dramatiques, comique et tragique, faisant alterner des parties chantées et parlées. Dans lEmpire romain se développent la musique religieuse et la musique de théâtre, notamment les petits orchestres et les churs accompagnant la pantomime. La musique fait aussi lobjet dune théorisation par les philosophes, comme Pythagore puis Platon, puis par les premiers musicologues, comme Aristoxène de Tarente.
La deuxième partie est consacrée aux musiciens, les premiers étant des divinités, comme les Muses, Apollon, Cybèle ou Dionysos, ou des mortels comme Marsyas, Amphion, Thamyras ou Orphée. Dans léducation antique, la musique occupe une part fondamentale, même si son importance décroît à partir de Platon, puis dans lEmpire romain, et que son apprentissage semble avoir été de tradition orale, avant tout pratique. Mais le statut social du musicien antique est fort disparate, allant de lesclave au virtuose adulé en passant par la courtisane animant les banquets et les soirées. Son talent est requis pour divers services, par exemple pour des cérémonies comme des funérailles, pour laccompagnement des rameurs sur les bateaux de guerre, et souvent pour le plaisir de leurs commanditaires. Certains de ces musiciens pouvaient faire fortune lors des concours musicaux.
La troisième partie, «Vivre en musique», montre que cette activité imprégnait toute la vie sociale de lAntiquité. En Grèce et à Rome, mais aussi en Égypte comme le rapporte Hérodote, la musique rythmait les cérémonies religieuses et civiques, lensemble des fêtes publiques ou privées, que ce soit en ville ou à la campagne. La musique trouve même sa place au sein des armées, car elle nest pas sans lien, dans lesprit des Anciens, avec lardeur virile. Elle accompagne aussi le travail, notamment celui des esclaves. La musique occupe une place particulière dans les banquets, où il est dusage de faire appel à des joueuses daulos, des chanteuses, des danseuses, mais aussi des citharistes ou des harpistes. Cest le cas également des mariages et des enterrements, où officiaient des musiciens professionnels.
La quatrième partie sintéresse aux vertus de lart musical. De nombreuses légendes, comme celles dOrphée, dArion ou dAmphion, attribuent à la musique un pouvoir sur les animaux, les plantes et même les minéraux. Ces récits exaltant son pouvoir témoignent de la force que les Anciens lui reconnaissaient. Elle était notamment réputée pour ses pouvoirs guérisseurs, y compris contre les piqûres dinsecte ou les morsures de serpent. Elle létait aussi pour son pouvoir daccompagnement et dexacerbation des passions et des émotions. Les penseurs antiques attribuaient à la musique le pouvoir de modifier les conduites, dans un sens moral. Cest sans doute lune des raisons qui expliquent sa place fondamentale dans léducation jusquà lépoque classique même si cette efficacité de la musique semble avoir été moins considérée à lépoque impériale. La musique peut cependant avoir leffet inverse et rendre fou : différents airs anciens passent pour provoquer la démence, des crises de possession, des conduites déraisonnables et immorales.
La cinquième partie se place sur un niveau de réflexion beaucoup plus théorique, en évoquant notamment la nature musicale de lhomme, thèse qui trouve probablement son origine dans la philosophie pythagoricienne. Se fait jour ainsi lidée que des rapports harmoniques président à lévolution de certaines parties de lhomme, ou quils expliquent le lien quelles peuvent entretenir les unes avec les autres. Certains penseurs font également du monde dans sa totalité un être musical. Selon la théorie bien connue de «lharmonie des sphères», les planètes produisent des sons en se déplaçant dans lespace. Une telle théorie a connu une grande fortune tout au long de lAntiquité, depuis les cercles pythagoriciens de lépoque archaïque aux écoles néopythagoriciennes et néoplatoniciennes encore florissantes dans lAntiquité tardive. La conscience des pouvoirs de la musique sur les âmes et la découverte de son aspect mathématique et rationnel ont permis aux Anciens de lassocier au divin.
Ce panorama très complet des différents aspects de la musique dans lAntiquité se termine sur de nombreuses annexes techniques présentant les modes musicaux, les tétracordes des genres de laigu au grave, ou les principaux rythmes. Dautres annexes plus accessibles au profane en musicologie recensent les divinités et personnages mythiques en relation avec la musique, les musiciens de lAntiquité (on ne peut même pas citer dix noms
), ou les principaux instruments de musique. Si lon désire aller plus loin, on peut se reporter aux suggestions bibliographiques.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 29/06/2010 ) Imprimer
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