| Roger-Xavier Lantéri Les Mérovingiennes - 486-714 Perrin - Tempus 2006 / 8.50 € - 55.68 ffr. / 255 pages ISBN : 2-262-02475-8 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
L'auteur du compte rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences à luniversité Paris X Nanterre et à lIEP de Paris. Imprimer
Les temps mérovingiens ne sont pas forcément les mieux connus, ni les plus populaires parmi les publications historiques : si la figure de Clovis et laffaire du vase de Soissons émergent indiscutablement dans la mémoire populaire, la période qui va de la fin du Ve siècle jusquau début du VIIIe siècle demeure floue à de nombreux égards. Avec Les Mérovingiennes, Roger-Xavier Lantéri, journaliste et par ailleurs auteur dune biographie de la reine Brunehilde (Perrin) ressuscite pour le plaisir des curieux une quarantaine de femmes des temps mérovingiens et tente de les faire revivre au regard des lecteurs.
De la nonne en révolte à la veuve éplorée, de la jeune épousée au destin difficile à lesclave en fuite, de la mystique errante à la femme sensuelle, lauteur, par de courts tableaux dans un style assez libre, retrace une suite dexistences à partir de quelques fragments archivistiques et littéraires, en tentant de combler les vides, ou au contraire en dévoilant les limites de reconstructions postérieures (notamment pour les vies de saintes, embellies par les hagiographes successifs). Scandé par quelques textes coutumiers (conseils de beauté ou discours sur les pratiques de sorcellerie), contes pour jeunes filles (le fantasme du chevalier errant marche déjà dans les temps mérovingiens et lon croise même, au passage, les prémices de la chanson de Roland
) et autres faits divers crapuleux (en particulier le rapt dépouse, une activité où la parité est déjà dactualité), lensemble dresse un tableau relativement plaisant (parfois un peu militant aussi) de la condition féminine durant le haut moyen-âge avec un impératif : éclairer et démythifier.
Louvrage, parfois un peu déconcertant, est original : s'il a été écrit à partir de sources historiques (on peut toutefois lui reprocher la rareté des références historiographiques modernes les plus récentes datent du XIXe siècle - comme les travaux de Régine Le Jan en particulier), il relève toutefois plus du récit parfois romancé, au risque de la reconstruction (le syndrome Pinagot ? en référence à louvrage dAlain Corbin), et rappelle la série des «vies quotidiennes» par son côté thématique (chaque vie illustre un aspect de la condition des femmes mérovingiennes, une culture particulière..). A partir de textes anciens (chroniques, textes littéraires et poétiques, testaments, vies de saints
), lauteur dresse un portrait dans un style actuel, aussi peu universitaire que possible : dialogue «modernes», réflexions personnelles, orthographe originale (mais alors, pourquoi écrire les «Franks» alors que les «Francs» est parfaitement répandu
lubie ou affèterie ?).
Très abordable, notamment pour des non-spécialistes (il est équipé en annexe dune chronologie courte mais nécessaire), cet ouvrage se parcourt ou se butine, portrait par portrait, en fonction des centres dintérêts (vie religieuse, aristocratie, vie privée, rituels sociaux, paysage mental
) : on y croise des personnalités connues (outre Clovis, lévèque de Reims Rémi, la reine Chlotilde, labbesse Radegonde
), on y découvre une histoire des temps barbares et de la fin de lempire romain loin des poncifs et des stéréotypes. Non, le statut des femmes nétait pas aussi subalterne quon le dit souvent : «intellectuelle», grand propriétaire, aristocrate, patricienne
la femme (aisée) jouit dune certaine considération et de nombreux droits, dont celui de disposer dune âme (en dépit du concile de Mâcon, en 585, dont le silence final sur la question ouvre la porte à toutes les interprétations) ! Bref, une lecture stimulante pour partir à la découverte dune période un peu délaissée.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 23/08/2006 ) Imprimer
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