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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Moderne  
 

L’Amérique autrement
Gilles Havard   L'Amérique fantôme - Les aventuriers francophones du Nouveau Monde
Flammarion - Au fil de l'histoire 2019 /  26 € - 170.3 ffr. / 653 pages
ISBN : 978-2-08-210516-3
FORMAT : 15,3 cm × 24,2 cm

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général honoraire du Patrimoine et a enseigné l’histoire moderne à l’Université Paris I. Elle a récemment publié Rendez à César. L'Eglise et le pouvoir (Flammarion, 2017), Une brève histoire de l’Église. Le cas français (Flammarion 2019), ainsi que Le Parlement de Paris. Histoire d’un grand corps de l’État (avec Monique Morgat-Bonnet, Champion, 2018).
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Aujourd’hui, quel client d’un hôtel Radisson sait que l’établissement doit son nom à Pierre-Esprit Radisson, un Français qui en 1668 coucha par écrit le récit mouvementé de ses quatre voyages, conçu comme un instrument de promotion auprès des Anglais pour ses entreprises coloniales et maritimes à la conquête des richesses du Nouveau Monde dont il se constituait ainsi expert ? Radisson est l’un des dix voyageurs francophones, natifs de France ou du Canada, dont Gilles Havard a choisi de retracer les biographies singulières entre XVIe et XIXe siècles.

Auteur d’une Histoire des coureurs de bois. Amérique du Nord 1600-1840 (Les Indes Savantes, 2016), ainsi que d’une belle synthèse Histoire de l’Amérique française (avec Cécile Vidal, Flammarion, 2003, rééd. dans la coll. «Champs Histoire», 2008), ce chercheur laboure son territoire avec ce nouvel ouvrage dont il est impossible de rendre compte exhaustivement dans sa diversité biographique : «L’ouvrage se rattache autant au genre biographique qu’à la micro-histoire, sans chercher à les opposer»… «Le but est d’offrir, à l’échelle d’individus pris dans des enjeux sociaux, des exemples de cheminements susceptibles d’éclairer l’expérience des circulations pelletières». C’est finalement la pelleterie qui en assure l’unité tant la traite des fourrures a longtemps joué un rôle économique de premier plan. Il faut en effet avoir conscience de l’importance qui fut celle de la fourrure dans le vêtement et la chapellerie, essentiellement celle particulièrement appréciée du castor qui, massivement exterminé, disparaît peu à peu d’Europe, tandis que les colons français et anglais qui en découvrent de grandes quantités au Canada en développent rapidement le commerce entre les deux continents. Jusqu’aux années 1800, la fourrure a été la ressource la plus importante de la Nouvelle-France et les peaux de castor un moyen d’échange et de paiement de premier plan.

Dans un premier temps, ce sont les Hurons qui venaient dans la vallée du Saint-Laurent échanger leurs peaux de castor contre des objets manufacturés. Mais, quand vers 1650, leur confédération est détruite par les Iroquois, ce sont les Français qui entreprennent de parcourir les pays indiens pour y collecter les peaux et créent d’étroites interactions et métissages avec les Indiens : commerçants, trappeurs ou «truchements», ils acquièrent une véritable expertise de ce Grand Ouest et des populations dont ils partagent bien souvent la vie, la langue et la culture. D’abord perçus comme des «libertins» ensauvagés au contact des Indiens (et des Indiennes), ces hommes sont peu à peu considérés comme utiles : ce sont des acteurs de l’économie des peaux dont la connaissance des Indiens s’avère précieuse. À compter de la première moitié du XIXe siècle, les Américains se mêleront aux francophones et commenceront à occuper l’ouest du Mississippi. 

L’objet du livre est, en neuf chapitres biographiques aussi divers que vivants, de présenter la trajectoire de quelques-uns de ces aventuriers (Pierre Gambie, Étienne Brûlé, Pierre-Esprit Radisson, Nicolas Perrot, les frères La Vérendrye, Jean-Baptiste Truteau, Toussaint Charbonneau, Étienne Provost, Pierre Beauchamp), certains connus en leur temps, certains ayant eux-mêmes relaté leurs périples aventureux, d’autres anonymes enfin exhumés grâce aux traces indirectes qu’ils ont pu laisser dans les sources parvenues jusqu’à nous. Cette insolite Amérique franco-indienne témoigne d’une chaotique cohabitation des cultures, des mobilités et des marginalités, apportant au passage des précisions sur les thèmes les plus divers (l’action des jésuites, les épidémies, l’impact écologique…) que l’index très précis permet de repérer. On appréciera également l’illustration, les notes, la bibliographie et le glossaire, à défaut de trouver la couverture choisie particulièrement séduisante…

Avec l’exhumation de ces «fantômes» coureurs de bois, il s’agit de nuancer la version américaine de la conquête de l’ouest, une vision téléologique aussi bien organisée que narrée et montrée par le western, et de restituer la marge d’indétermination qui présida à l’histoire de ces pays d’indiens parcourus par des aventuriers bien étrangers à une quelconque visée de domination coloniale. En refermant le livre on se prend à rêver : et si le destin de ce continent – et donc du monde – avait été différent ?


Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 04/11/2019 )
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