| Cicéron Pour Sextus Roscius (Pro Roscio) - Edition bilingue français-latin Les Belles Lettres - Classiques en poche 2009 / 9,50 € - 62.23 ffr. / 170 pages ISBN : 978-2-251-80009-7 FORMAT : 10,6cm x 18cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Inter-universitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Après LAmitié, Le Bien et le Mal (De finibus, III), Pour T. Annius Milon, et De la vieillesse (Caton lAncien), la collection «Classiques en poche» des Belles Lettres nous offre un nouvel écrit de Cicéron (Marcus Tullius Cicero), en loccurrence le discours (réécrit après coup) prononcé par le célèbre orateur et avocat à loccasion de la première affaire criminelle quil ait eu à plaider, en 80 av. J-C. Cicéron avait alors vingt-six ans, et il nétait guère connu que pour avoir plaidé quelques affaires civiles (dont on na conservé que le Pro Quinctio). Dans le Pro Roscio, il doit défendre un homme accusé de parricide.
Les faits sont les suivants. Un soir de septembre de lan 81 av. J.-C., Roscius, un citoyen riche et en vue, originaire du municipe ombrien dAmérie, est assassiné dans une rue sombre, alors quil rentrait dun dîner, précédé desclaves porte-flambeaux. Deux membres de la famille du défunt, avec la complicité dun riche affranchi de Sylla, Chrysogonus, réussissent à détourner la fortune de Roscius pour se lapproprier. Or ce dernier avait laissé un fils à Amérie pour gérer ses domaines. Ce fils, Sextus Roscius, pouvait à bon droit revendiquer son patrimoine. Il fut décidé de lassassiner, mais il échappa aux sicaires chargés de léliminer et demanda protection à une femme influente dune riche et puissante famille, Caecilia Metella. Lidée germa alors chez les trois compères daccuser le jeune Sextus davoir lui-même fomenté lassassinat de son père. Il y eut donc procès, et lavocat, le jeune Cicéron, fut probablement choisi par lentourage de Caecilia elle-même. Le jeune homme avait compris tout le parti quil pouvait tirer dune affaire en apparence crapuleuse, mais dans laquelle revenaient sans cesse les noms des personnages politiques les plus importants du moment, notamment Sylla.
Le jeune avocat nétait pas originaire de Rome, puisquil naquit à Arpinum, à 120 km au sud-est de lUrbs, en 106 av. J.-C. Son père était un chevalier romain assez aisé. Celui-ci, ayant noué quelques relations, le conduisit à Rome et le confia à laugure Q. Mucius Scaevola, le plus célèbre jurisconsulte du moment. Deux ans plus tard, il devint lauditeur de son neveu, Q. Mucius Scaevola le pontife. Il combattit pour Rome contre les Alliés dans la guerre sociale, puis fréquenta lorateur M. Pusius Pison, grâce à qui il découvrit la philosophie grecque. En 87 av. J.-C., il rencontra deux maîtres venus de Rome : le rhéteur Molon et le stoïcien Posidonius. A partir de 82 av. J.-C., Sylla imposa son pouvoir dans Rome. Ses proscriptions semèrent la terreur, mettant Rome à feu et à sang. Il se fit proclamer dictateur pour lannée 81 av. J.-C., mais abdiqua semble-t-il au bout de six mois, conservant néanmoins le consulat pendant un an. Ainsi, laffaire Roscius, si elle se déroule dans une période plutôt apaisée après la guerre civile entre les partisans de Marius et ceux de Sylla, ne bénéficie pas pour autant encore dun climat de sérénité, les tensions restant palpables.
Ce fut donc un procès pour parricide qui souvrit au Forum, devant une foule nombreuse, vraisemblablement au début de lannée 80 av. J.-C. Cette année-là marqua un retour aux institutions républicaines voulues par Sylla qui fut consul avec Metellus, ce qui justifie lhommage nécessaire rendu par Cicéron au maître de Rome, alors même quil sen prenait à lun de ses favoris. Cicéron devait néanmoins politiser laffaire pour sen tirer au mieux ; mais, ce faisant, il savait quil jouait gros, lui le jeune avocat inconnu, face au monstre implacable, par affranchi interposé. Le tribunal devant qui il dut plaider, composé de sénateurs, était dirigé par un préteur, M. Fannius, dont Cicéron loue les qualités de rigueur et déquité. Laccusation était portée par un certain C. Erucius auquel Cicéron répondit à plusieurs reprises, mais dont nous ne savons rien de sûr. Derrière cet accusateur public se cache en fait le trio Chrysogonos, T. Roscius Magnus et T. Roscius. Cicéron accuse ouvertement les deux derniers davoir fait tuer le vieux Roscius pour mieux le dépouiller, puis davoir voulu supprimer le jeune Sextus Roscius, et de lavoir fait accuser de parricide.
La traduction de François Hinard est complétée par une introduction, des notes et des annexes rédigées par Jean-Noël Robert. Parmi ces dernières, on trouve une excellente et utile mise au point sur la condamnation du parricide (mise à mort par noyade dans un sac avec un chien, un coq, une vipère et un singe) et une autre sur la procédure judiciaire à Rome sous la République, sans parler des repères chronologiques, de la courte bibliographie de trois pages et dun index des noms propres toujours utile.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 24/11/2009 ) Imprimer | | |