| Catulle Le Roman de Catulle Les Belles Lettres 2004 / 22 € - 144.1 ffr. / 344 pages ISBN : 2-251-44262-6 FORMAT : 13x19 cm
Traductions et commentaires par Olivier Sers. Imprimer
Catulle (82-52 av. J.-C.) est né à Vérone dune famille aisée. Cest un poète précieux qui appartient à la jeunesse dorée de son époque. Il meurt à trente ans, mais laisse 116 poèmes dont une partie compose ce que la tradition a appelé le «roman de Lesbie», du nom de linterlocutrice du célèbre poème 51 qui, traduit de Sapho (Voir lexcellent livre de Philippe Brunet, LÉgal des dieux, cent versions dun poème de Sappho, Éditions Allia, 1998), décrit avec précision les effets physiques du coup de foudre. Luvre de Catulle se compose de poèmes initialement classés en fonction du mètre utilisé ; lédition des Belles Lettres dOlivier Sers propose ici un ordre chronologique de composition qui témoigne de lévolution psychologique du poète dans sa relation avec Lesbie dont Apulée (Apologie, 10) nous apprend quil sagirait de Clodia, intrigante de la haute société, aux murs suffisamment légères pour rendre notre poète malheureux.
Les commentaires dOlivier Sers, maître duvre de cette édition, scandent le texte en six chapitres et un épilogue qui dégagent les articulations du recueil. Malgré le ton artificiellement relâché et irritant, leur mérite est dinscrire les poèmes dans une trame à la fois narrative (le roman de Lesbie) et historique (la vie du poète). Ainsi lordre de disposition adopté donne plus de sens au recueil et permet de se familiariser avec luvre de Catulle. Mais cette édition ne se défait pas de la difficulté qui naît de sa louable ambition : satisfaire luniversitaire et sattacher le latiniste occasionnel. Car cest plutôt loriginalité et la qualité des traductions que lindex métrique qui séduit lérudit, plutôt le naturel et laisance classique que le ton accrocheur et facile qui attire le lecteur curieux.
Cette traduction ne manque pas dintérêt : elle est versifiée et reste fidèle au texte jusque dans sa crudité ; cest que les poètes latins ne craignaient pas la verdeur voire la vulgarité (il y avait des mètres pour cela). Cependant, elle est souvent décevante, car si la valeur des poèmes de Catulle qui sera un modèle pour Horace et Virgile réside dans la sincérité du sentiment et la maîtrise de la composition, la traduction na pas laisance attendue, et souffre, malgré leffort de versification, dêtre comparée. On peut en juger avec le début du poème 51 :
Ille mi par esse deo uidetur,
Ille, si fas est, superare diuos,
Qui sedens aduersus identidem te
Spectat et audit
Dulce ridentem, misero quod omnis
Eripit sensus mihi [
]
Voici la traduction proposée par Olivier Sers :
«Il me semble légal dun dieu,
Plus quun dieu voire, sil se peut,
Le mortel qui sans cesse est assis face à toi,
Tentend, te voit
Sourire doucement, bonheur,
Qui étourdit mon pauvre cur [
].»
On peut la comparer à celle de Claude Terreaux dans son livre à déguster Vous reprendrez bien un peu de latin paru chez Arléa :
«Selon moi, il égale,
Il surpasse, si jose dire, les dieux,
Celui qui, assis en face de toi
Continuellement
Te regarde et tentend
Doucement rire : quant à moi, misérable,
Cela môte tous mes sens [
]»
Terminons par Ronsard qui, dans «Les amours de Marie», se souvient de Sappho, et en la traduisant, par analogie, nous donne une idée de la beauté latine des vers de Catulle :
«Je suis un Demidieu quand assis vis-à-vis
De toy, mon cher souci, jescoute les devis,
Devis entrerompus dun gracieux soubrire,
Soubris qui me detient le cur emprisonné ;
Car en voyant tes yeux je me pasme estonné,
Et de mes pauvres flancs un seul mot je ne tire. [
]»
La beauté de ces vers nous fait sentir le prix à accorder à Catulle et lintérêt quil y a à posséder dans sa bibliothèque une édition de ses 116 poèmes, et cela, non pour adresser des reproches à une édition imparfaite, mais pour entendre le mince filet dentretien de nos livres qui, sur les rayonnages, chuchotent déjà avec limportant compagnon qui vient dy trouver place.
Frédéric Poupon ( Mis en ligne le 15/07/2004 ) Imprimer
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