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Littérature -> Romans & Nouvelles |
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Nuits blanches pour pages noires | | | Joseph Vebret Car la nuit sera blanche et noire Jean Picollec 2009 / 19 € - 124.45 ffr. / 309 pages ISBN : 978-2-86477-238-5 FORMAT : 13,5cm x 21cm Imprimer
Quand il ne relate pas les procès littéraires intentés à Baudelaire ou Flaubert dans une collection des éditions Librio, il collationne en ballotins de friandises les anecdotes relatives aux vices cachés, aux manies et aux traits desprit des gendelettres. À part ça, il dirige avec brio et pugnacité Le Magazine des Livres, mensuel qui se taille une place plus quhonorable dans le paysage revuistique de la critique francophone. Un jour, il interviewe Guy Dupré ou Muriel Cerf. Le lendemain, il débarque à Bruxelles pour assister à la première, dans une prestigieuse salle belge, de sa pièce En absence. Et puis, comme si cela nétait pas encore assez, il écrit des romans.
Joseph Vebret, le constat relève de lévidence, est un homme pétri de littérature. À certains, cela apparaîtra comme un défaut rédhibitoire, une tendance lourde et présomptueuse à létalage de références. Par contre, ceux qui auront compris que cette obsession est en fait son identité motrice à part entière, iront à la rencontre de ce tempérament tel quil soffre : passionné et passionnel, sympathiquement brouillon comme seuls peuvent lêtre les vrais énergiques, affichant le sourire et le regard espiègles de ces grands enfants quon ne parvient guère à duper sur le sens des choses, léger certes mais dune légèreté faite vertu.
Car la nuit sera blanche et noire est une uvre miroir où défile un cortège dombres majeures : Pavese, Montherlant, Gide, Dostoïevski, Nerval et tant dautres du même acabit
Bien sûr, il ne sagit pas à proprement parler deux ni des ressorts de leur drame intime, mais il sagit exclusivement deux dans la mesure où le narrateur ne définit les affres de sa conscience et de ses relations problématiques avec autrui quà laune de ces fréquentations, par ailleurs fort recommandables.
Plus que lintrigue en soi, reposant sur la recherche dun obscur secret familial à partir de la mort du père, cest la mise en scène de la figure de lêtre écrivant qui fascine ici. Ce récit constitue en effet une synthèse des errances intérieures, des angoisses de la page blanche, de tous les questionnements de fond liés, de près ou de loin, à lacte scriptural. Des petites distractions du quotidien qui lemportent finalement toujours sur le sacrifice à la tâche à accomplir aux préoccupations très concrètes de la subsistance matérielle ; du rapport aux femmes à celui avec lentourage proche, parents ou amis ; de la dissimulation parfaite à la nécessité de la dénudation totale, en passant par lincontournable mentir-vrai aragonien ; de leuphorie créatrice à la dérive alcoolique ; Vebret na rien négligé dans sa cartographie de cette névrose intégrale et galopante que peut savérer lécriture quand elle se met à dévorer lesprit dun individu.
En cela, Car la nuit sera blanche et noire est une leçon de vie qui tente de contredire laphorisme en quatrième de couverture : «Les gens heureux nécrivent pas». Pour échapper à la rupture progressive davec le réel, à la désespérance susceptible de semparer de chacun dentre nous en cas de perte, de révélation traumatique ou de frustration, Vebret nous tend une planche de salut, celle de la littérature. Nous grimpons volontiers à ses côtés, fermement décidés à surnager. Deux devises latines complémentaires sont gravées sur ce bois vénérable et providentiel : Ego scriptor ? Fluctuat nec mergitur !
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 15/07/2009 ) Imprimer | | |
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