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Verbe incarné
Pierre Guyotat   Arrière-fond
Gallimard - NRF 2010 /  21 € - 137.55 ffr. / 436 pages
ISBN : 978-2-07-078445-5
FORMAT : 14cm x 20,5cm
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Trois ans après la publication de Formation, Pierre Guyotat poursuit son cheminement autobiographique avec cet imposant Arrière-fond. Le texte relate le voyage en Angleterre qu’il a effectué pendant les vacances estivales, l’année de ses quinze ans. Ce qui retient l’écrivain dans ce texte qu’il a dicté pendant sept mois, c’est ce qui a conduit ce jeune adolescent à former son esprit et sa sensibilité à partir de quelques objets d’élection, qui vont fournir l’essentiel de la matière de son œuvre littéraire future. Arrière-fond présente ainsi une sorte de mise en abîme de la pratique scripturale de Guyotat : les thèmes et les sujets qu’il a traités en près de quarante-cinq années de littérature (le sexe – hétérosexuel et homosexuel –, la Nature, la religion, la violence, la guerre, l’abolition des limites…) sont ici dupliqués et concentrés dans ces quelques longues journées estivales. Hasardons en guise d’hypothèse de lecture que le titre mystérieux et déstabilisant désigne, entre autres, cet arrière-fond d’une sensibilité d’homme et d’écrivain : ce qui semble a priori accessoire, comme faisant simplement «fond» à une action de premier plan, mais également ce qui est dissimulé, secret, peu avouable, est en réalité le soutènement incontournable d’un édifice existentiel et artistique d’ampleur.

Si la trame de départ est étonnamment similaire à L’Amant en culottes courtes d’Alain Fleischer (publié en 2006), le résultat final est on ne peut plus différent : fidèle à sa manière, Pierre Guyotat fait de son texte un maelström de sensations, de contacts tout à la fois charnels et quasi mystiques. En effet, l’adolescent qu’il était connaît lors de ces vacances anglaises une éducation sexuelle inséparable d’une éducation artistique : la relation au corps va de pair avec la relation au langage et à l’art, ce qu’emblématise l’expérience de la «branlée-avec-texte» chère à l’écrivain, qui trouve ici son récit d’origine. Jouir et écrire fonctionnent parallèlement, comme le souligne Guyotat : «Les seules productions visibles, palpables, de ma liberté sont le texte orgiaque et le sperme et je peux, du moins après la première éjaculation […] les toucher de ma main, filament, grumeaux fragiles comme la vie, fragments de cervelle, traînée d’embryons tremblant, phrase, mots interrompus ou tracés dans l’orgasme où le moi se libère du moi» (p.55).

Texte et sexe riment ensemble ; la conjonction des deux se réalise dans une langue puissante, exigeante et ardue, que certains pourront trouver trop solennelle et froide. C’est que cet Arrière-fond n’est pas le récit de jolis et attendrissants émois adolescents, mais davantage le récit d’une construction poétique, qui n’est pas exempte de trouble, d’inquiétude et de violence. Un certain sentiment mystique n’est jamais loin ; plus que quelques canailleries espiègles, c’est d’un érotisme grave, intense et essentiel dont il est question ici. On pense à Georges Bataille, Antonin Artaud, Jean Genet bien sûr, ou plus près de nous, contemporains de Guyotat, Claude Louis-Combet et Jacques Chessex. Néanmoins, à ceux que de telles références risqueraient d’effrayer, il faudrait ajouter que l’écrivain utilise – comme à son habitude – le présent de l’indicatif, qui rend avec une extraordinaire précision, presque en temps réel, cet «arrière-fond» psychique et physique. En relatant ces troubles sexuels et identitaires, le livre de Guyotat est donc également un éloge de la création littéraire, de la fiction et des pouvoirs du langage.

L’ampleur d’Arrière-fond intimide ; il est fort possible de passer à côté, attiré par des textes plus légers et accessibles ; néanmoins, ce serait manquer ce qui va sans doute devenir avec le temps un texte majeur, à l’ambition réflexive et poétique peu commune.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 12/07/2010 )
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