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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Astrid Manfredi La Petite barbare Belfond 2015 / 15 € - 98.25 ffr. / 160 pages ISBN : 978-2-7144-5943-5 FORMAT : 13,5 cm × 19,1 cm Imprimer
Le premier roman dAstrid Manfredi (créatrice du blog littéraire «Laisse parler les filles») explore un sujet ingrat et délicat. La narratrice, révoltée et désenchantée, raconte son séjour en prison, a vingt ans, et sa vie davant dans une banlieue misérable où elle grandit entre un père éternel chômeur minable et une mère alcoolique dépassée par les péripéties de sa fille : «un duo de noyés» qui vont vers le néant. Elle est souvent condamnée à lisolement carcéral pour violence et désobéissance.
Avant son séjour derrière les barreaux, elle était, au sein d'un gang, la fille qui rabattait les proies. Elle commence son larcin au collège, vers treize ans, pour le compte dEsba, son prince noir, auprès de qui viennent se greffer deux autres loubards vendeurs de drogue. Le groupe ramasse beaucoup dargent et mène la grande vie sur les Champs Élysées ; mais ils vont trop loin et débordent, allant jusquà torturer à mort pendant plusieurs jours dans une cave un jeune ''bourge''. La narratrice est-elle la jeune Emma du Gang des Barbares, qui avait appâté Ilan Halimi ? Lauteur ne le précise pas mais on ne peut sempêcher de penser au drame.
Elle nest pas particulièrement sympathique et ne montre aucun regret pour cette vie volée. Elle considère les hommes uniquement comme des proies. «Je ne suis pas la sanguinaire mais lallumeuse de service. Tout le monde sen fout. Je croupirai dans lanonymat des médiocres du crime» (p.90). Son seul échappatoire est la lecture qui lui donne une image convenable delle-même et laide à se valoriser. Elle aimerait être comme Marguerite Duras et rencontrer son propre ''Amant''. Le seul à détenir une influence bénéfique sur elle est le Docteur Neveu, psychiatre de la prison, qui met son âme à nu en peu de mots, lui rend sa dignité et lui fait comprendre quelle est une femme dans le sens le plus noble du terme.
Malgré tout ce qui les sépare, le lien mère-fille subsiste : elle éprouve beaucoup dindulgence pour cette femme bafouée et misérable. Elle nous raconte aussi la prison, ses camarades solidaires, un gardien qui samourache delle et dont elle obtient de menus cadeaux ainsi que le directeur de la prison, quelle séduira et trahira. Elle sinquiète de sa situation à sa sortie, quand elle aura payé sa dette à la société ; elle se verrait bien dans une librairie et espère que le manuscrit quelle écrit sera un succès.
Cest un personnage pervers et difficile à cerner que décrit Astrid Manfredi, sous la forme du journal intime, un vrai cri de rage, un portrait dérangeant et hors norme, que lon aura du mal à appréhender dans sa haine et ses colères ; un texte brutal sur la noirceur de lâme humaine. Lécriture, sèche et précise, habille un parti pris radical ; c'est la force de ce court roman.
«Avancer coûte que coûte, voir la mer grise. Contempler cette étendue qui nous rappelle quil ne faut pas déconner, quil y a plus grand que nous, quon nest rien que des microbes vaniteux agrippés à tout ce qui finira par crever. Nous les premiers» (p.120).
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 28/10/2015 ) Imprimer | | |
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