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Le temps de vivre
Entretien avec Cecelia Ahern - (Un cadeau du ciel, Flammarion, Novembre 2009)


- Cecelia Ahern, Un cadeau du ciel, Flammarion, Novembre 2009, 350 p., 19,90 €, ISBN : 978-2-08-123190-0
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Parutions.com : L'intrigue centrale du roman est racontée par un policier irlandais à un jeune. Pourquoi avoir choisi cette «histoire dans l'histoire», quelle est sa fonction?

Cecelia Ahern : J'aime bien que Raphie raconte cette histoire et en utilise le message pour donner une leçon au «garçon à la dinde». Sa fonction est exactement celle-ci : en racontant son histoire, Raphie donne à ce garçon perturbé une leçon importante sur le temps, comment apprécier les gens qui partagent votre vie et leur consacrer assez de temps. Le temps passe si vite et l'on ne sait jamais ce que demain nous réserve ni combien de temps il nous reste sur cette terre ; Raphie essaie ainsi de lui faire comprendre qu'il devrait oublier sa colère et ses petites tracas et se concentrer sur des choses plus importantes. Tout en racontant l'histoire, Raphie apprend aussi lui-même et il finira par appliquer cette philosophie à sa propre vie.

Parutions.com : Quand l'histoire commence, Lou a ce geste de générosité ; il prend Gabe sous son aile et lui offre un emploi. Mais presque immédiatement sa vraie nature se révèle et tout au long de l'histoire, son caractère se détériore, il devient de plus en plus égoïste et s'occupe de moins en moins des autres. Qu'est-ce qui a changé en lui ? A-t-il toujours été aussi égoïste, de sorte que Gabe sert simplement de révélateur, ou y a-t-il autre chose ?

Cecelia Ahern : En fait, dès le premier paragraphe décrivant Lou, on sait qu'il n'est pas quelqu'un de si généreux. On comprend qu'il a toujours besoin d'être à deux endroits différents en même temps et que ces endroits-là ne concernent jamais avec sa famille. Sa famille l'agace facilement ; il préférerait lire le journal tranquillement plutôt que d'écouter ses enfants ; il préférerait être avec une autre femme que son épouse, et boire des verres avec ses collègues au lieu de passer du temps avec ses parents. Quand il paye un café au SDF, c'est son premier geste gratuit, ce qui n'est pas du tout son genre. Ce geste l'étonne lui-même et provient du pouvoir que Gabe exerce sur lui. Car Lou reconnaît quelque chose de lui-même en Gabe, il se rend compte qu'il pourrait être lui, à la rue, quémandant de l'argent, et cette pensée lui fait peur. Il offre à Gabe un emploi dans son bâtiment parce qu'il veut utiliser le pouvoir d'observation de Gabe pour son propre bien. Je crois qu'on sait dès le début que Lou est un homme égoïste. Son parcours se focalise sur ses propres avantages et ses progrès personnels. Il devra faire des erreurs sérieuses avant de pouvoir reconnaître ses défauts et changer d'attitude. Gabe agir comme un miroir pour Lou ; il lui montre sa vraie nature, le forçant ainsi à se regarder lui-même en face et admettre ses erreurs.

Parutions.com : Gabe est embauché comme distributeur de courrier dans le bureau de Lou. Est-ce qu'il y a une symbolique ici, avec tous ces paquets renfermant des choses et cachant aussi des secrets ?...

Cecelia Ahern : Le cadeau dont parle le titre renvoie à ce que nous nous cachons souvent au plus profond de nous sous des couches de mensonges, des masques superposés afin que les autres ne puissent pas voir qui nous sommes vraiment. Nous faisons cela pour nous protéger. Gabe est un homme bon ; il est exactement ce qu'il semble être : sincère, honnête, digne de confiance. Je voulais qu'il travaille en bas, au coeur du bâtiment, où sont effectuées toutes les opérations, alors que Lou travaille à l'extérieur. C'est lui que les gens voient. Gabe, lui représente le cœur d'une personne ; Lou représente les masques que nous portons tous.

Parutions.com : La seule chose que désire Lou, c'est cette faculté d'ubiquité. Quand il parvient enfin à cet état, croyez-vous qu'il le mérite?

Cecelia Ahern : On donne à Lou trois opportunités différentes d'être à deux endroits en même temps. Ces trois opportunités doivent lui donner une leçon, afin qu'il réalise quel est l'endroit le plus important pour lui. Alors que ces tests se succèdent, il commence à voir où il aurait dû passer son temps. Mais comprendre cela lui prendra du temps.

Parutions.com : Il y a chez Gabe un côté mystique ou magique de plus en plus sensible au fil de l'histoire, notamment par ce don d'ubiquité que lui envie Lou. Quel rôle souhaitiez-vous que ce personnage joue ?

Cecelia Ahern : Gabe représente de toute évidence l'ange Gabriel et Lou assume le rôle de Lucifer. Lou représente les gens qui croient que les biens matériels sont plus importants que tout dans la vie, et que le succès définit une personne. Ces gens très ambitieux feraient n'importe quoi et sacrifieraient n'importe qui pour atteindre leur but. Lou se définit lui-même par ce qu'il possède. Il croit que plus il a de choses, meilleur il devient. Il pense que l'identité passe par ces faux-semblants. Il est déloyal envers sa femme et sa famille, et, la pression au travail augmentant, il tourne toujours plus le dos aux siens. En revanche, Gabe est tout le contraire : il sait la vraie valeur des choses et, quoiqu'il semble avoir moins que Lou, il a en fait beaucoup plus ; il sait que le temps que l'on a est ce qu'il y a de plus précieux. C'est un personnage d'un autre monde sous ses airs d'homme ordinaire.

Parutions.com : Ce thème du manque de temps et du désir d'ubiquité est très contemporain. Est-ce que vous pensez que Lou incarne une génération particulière, faite de gens qui travaillent constamment, au point de passer à côté de ce qui compte ?

Cecelia Ahern : Oui, j'ai écrit ce livre il y a quelques années alors que le rythme de nos vies semblait s'accélérer brusquement. Les nouvelles opportunités, les possibilités offertes firent que les gens se mirent à travailler plus, à se déplacer plus rapidement, à avoir et acheter toujours plus de choses ; c'est devenu un véritable mode de vie. J'avais pour ma part l'impression que tout cela allait trop vite, que nous ne prenions plus le temps d'apprécier ce que nous avions, que nous devenions obsédés par des marques de produits, la popularité de tel designer, tout ce que nous possédions, et que, d'une certaine façon, nous avions vendu notre âme au diable en perdant de vue ce qui fait l'essence d'un Homme. Dans Un Cadeau du Ciel, cette sorte de bulle spéculative gonfle à toute allure et ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle n'explose... A moins que Lou ne finisse par comprendre qu'il ne peut maintenir ce mode de vie.

Je pense que tout le monde peut comprendre ce type de pression sociale et professionnelle, qu'il est de plus en plus difficile pour certains de passer du temps avec leurs familles et leurs amis. Qu'il est très difficile d'être à la fois mère et femme par exemple, d'avoir un travail prenant et de pouvoir passer du temps avec ses enfants. Nous connaissons tous ce type d'impasse. Nous pouvons être partout à la fois mais je pense qu'il ne faut pas laisser ce type de pression nous rendre aveugles à ce qui est vraiment important. C'est cela le message d'Un Cadeau du Ciel, le cadeau donné par la vie est tout simplement le temps, et nous devons le dépenser judicieusement.

Parutions.com : Quel est selon vous le moment dans le roman où le tournant s'opère chez Lou?

Cecelia Ahern : Un tournant important intervient chez lui alors qu'il prépare la fête de son père. Il arrive à la fête — qu'il a conçue comme quelque chose de branché, de sophistiqué — et il se rend compte qu'il a tout faux. Il a sorti les gros billets pour obtenir quelque chose de somptueux sans comprendre que cela ne correspondrait pas au roi de la fête, son père. Il a mis beaucoup d'argent mais aucune pensée dans cet acte, comme il le fait souvent. Or ce qui est important, ce n'est pas l'argent, mais l'attention portée à la personne. Il se rend compte alors qu'il a négligé sa famille et les besoins réels des siens, qu'il est devenu une sorte d'étranger auprès de ceux qui l'aiment. Il ne comprend pas leurs besoins et réalise qu'ils n'apprécient pas cette façon qu'il a de sortir le portefeuille. Ce qu'ils veulent, c'est du temps avec lui. Pour la deuxième occasion qui lui est donnée d'être à deux endroits simultanément, il choisit d'être avec sa famille dans les deux cas, ce qui est un grand changement pour lui. Il tourne le dos aux rendez-vous urgents et aux pressions du travail pour être avec les gens qui l'aiment.

Parutions.com : Gabe est absent pendant la deuxième moitié du roman. Pourquoi?

Cecelia Ahern : Comme le roman s'intéresse avant tout à l'itinéraire personnel de Lou, je n'ai pas vu les choses sous cet angle. Gabe joue le rôle de la conscience de Lou tout au long du livre. Il lui montre sa vraie nature car, alors que Lou peut ignorer les plaintes et les larmes de sa femme et de sa famille, il y a quelque chose dans les réactions de Gabe qui le touche. Gabe organise pour Lou ces trois opportunités d'ubiquité, mais c'est à Lou d'en tirer les leçons. Gabe arrive au bon moment dans la vie de Lou, pour éperonner sa conscience en le laissant comprendre qu'il a fait les mauvais choix. Il sert de guide à Lou jusqu'à la fin.

Parutions.com : Le roman se termine de façon assez abrupte, alors que le lecteur a gagné un certain respect pour Lou. Pourquoi avoir choisi ce dénouement?

Cecelia Ahern : Je ne crois pas aux happy-ends conventionnels. Pour moi, quand un personnage retrouve espoir et a atteint une certaine paix intérieure, c'est là le happy-end. Je ne veux pas terminer un roman en expliquant tout ; je préfère laisser de la place à l'imprévisible et au non-dit. C'est important, je crois.

Parutions.com : Pouvez-vous nous parler de vos projets en cours ?

Cecelia Ahern : Mon septième roman, Le Livre de Demain, vient d'être publié au Royaume Uni et en Irlande. L'histoire est celle d'une adolescente, Tamara, qui trouve un journal intime ayant le pouvoir de s'écrire lui-même et de lui montrer ce qui se passera le lendemain, avec pour elle la possibilité de vivre cette prédiction ou de la modifier. Une fille égoïste et gâtée comme elle, qui na jamais vu plus loin que les cinq prochaines minutes, se rend compte soudainement que toute action a des conséquences. Ce roman est différent des autres car j'y ai introduit un suspense. Tamara utilise le journal afin de percer un mystère dans sa propre vie...

Parutions.com : Merci.


Entretien mené en Anglais par Samantha Joustra en novembre 2009 (Traduction : Samantha Joustra et Thomas Roman)
( Mis en ligne le 02/12/2009 )
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