| Pierre Gillieth Ombre Auda Isarn 2007 / 18.00 € - 117.9 ffr. / 155 pages ISBN : 978-2-917295-08-3
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Le roman noir nest plus seulement américain, pour preuve ce dernier ouvrage de Pierre Gillieth, Ombre, renouant avec la tradition du genre. Si sa filiation nous mène directement à luvre pleine de verve dADG, il nest pas douteux den suggérer dautres aussi flatteuses, bien que plus lointaines. On pourra par exemple évoquer Les Habits noirs de Paul Féval et ses sociétés secrètes, Eugène Sue ou Léo Malet pour ses célèbres Nouveaux Mystères de Paris.
Paris justement, cette «nouvelle Babylone», où le premier crime sera commis : sur les traces du meurtrier, un tandem dinspecteurs à lhumour nonchalant, sortes de maître Cocardasse et frère Passepoil de la PJ, de leur vrai nom Lamour et Lamargelle, qui vont tenter de dénouer les fils complexes de lintrigue. Une veine feuilletonesque imprègne latmosphère unique de ce roman ; puzzle brouillé, fascinant, où deux initiales prendront de limportance : J.E. comme Jack LÉventreur, Julius Evola et pourquoi pas Johnson Ed. alias Cercueil dans les romans de Chester Himes. Toute une faune pittoresque néo-nazis, call-girls, nantis de la politique et francs-maçons viendra pimenter laffaire sur fond de musique rock de Jad Wio à John Cale en passant par Neil Young , drogues, bordels et alcools forts. Comme dans un film en clair-obscur de Samuel Fuller ou adapté de James M. Cain, lauteur se déplace dans lunivers glauque et prototypique du polar avec une belle aisance ; sous sa plume alerte, les personnages secondaires conquièrent même une véritable épaisseur, que lon songe ainsi à la douce «Mamie Kojak».
Une étonnante maîtrise narrative donc, pour ce premier roman policier, un ton vraiment singulier, vif, quelquefois corrosif, tant litinéraire macabre de nos deux flics est insolite. Ils mettent au jour les innombrables frasques dune classe dirigeante corrompue, infiltrent, grâce à la délicieuse Solène, certaines organisations néo-celtiques et se débattent dans un quotidien sordide, bariolé, qui rend insupportable notre société de consommation : «(
) Je quitterai ce cloaque urbain. Putain, il faut vraiment être fin con pour vivre ici !», sécrie Alexandre Lamargelle, vieux garçon dorigine russe, à son jeune complice.
Son sens averti du dialogue, de la référence, sa qualité décriture hard boiled distinguent évidemment Ombre de la production actuelle ; car Pierre Gillieth est un passionné, qui a certainement lu Monnaie bleue de Jérôme Leroy, lorfèvre Alain Demouzon, tous ces épigones du néo-polar (pour sen émanciper), sans oublier les fidèles de la mythique Remington. Il nest pas non plus exagéré de soupçonner Gillieth collectionneur de Black Mask, de ces «romans durs» édités par les Presses de la Cité, fouineur dopuscules prohibés voire amateur des gangsters de la Warner Bros, autant que de lunivers si pessimiste de Melville.
Ombre est un roman noir tout à la fois engagé, fringant et parfaitement abouti. Pour ceux qui croyaient le polar mort avec ADG, il ny a plus de doute : il renaît et de quelle façon !
William Tellechea ( Mis en ligne le 11/06/2008 ) Imprimer | | |