|
Littérature -> Romans & Nouvelles |
| |
Passion littéraire et féminine | | | Christine Orban Virginia et Vita Le Livre de Poche 2014 / 6,60 € - 43.23 ffr. / 240 pages ISBN : 978-2-253-18257-3 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en décembre 2011 (Albin Michel) Imprimer
Virginia et Vita est la réédition dun roman que Christine Orban avait publié en 1990, sous un pseudonyme, Christine Dubon, et sous le titre : Une année amoureuse de Virginia Woolf.
Virginia et Vita se situe à un moment important de la vie de Virginia Woolf, qui vient de publier La Promenade au phare et sort dune longue période de dépression qui l'a menée au bord de la folie. Elle vit à Monks House dont lacquisition a été permise par ses droits dauteur, et son mari, Léonard, gère leur maison dédition. Cependant les moyens financiers du couple sont modestes, à la différence de ceux de la très belle et excentrique Vita Sackville-West, aristocrate, femme de lettres elle aussi, et dont Virginia est éperdument amoureuse, dautant quavec Vita elle découvre le plaisir. Preuve de son amour, Virginia offre à Vita ce qui pour elle est le plus cadeau le plus précieux : lécriture dun roman dont Vita sera lhéroïne.
Christine Orban raconte cette histoire de passion amoureuse partagée qui se déroule sous le regard résigné et triste de Leonard : «Leonard pensa quil navait jamais été le héros dun livre de Virginia et, loin de sen offusquer, considéra cette lacune comme la plus grande preuve damour quelle pouvait lui offrir».
Des deux femmes, la plus puissante nest pas nécessairement celle qui tient le haut du pavé social, et Virginia vampirise en quelque sorte Vita qui lui fournit le personnage ambigu dOrlando. Orlando, homme et femme à la fois, que Virginia façonne et reprend sans cesse au fil de sa liaison, Orlando à la fois Vita et créature de Virginia, telle que Vita ne le sera jamais. Vita, vaniteuse, se flatte de devenir lhéroïne dun roman de son amante, sans peut-être bien mesurer les dommages collatéraux ni la situation de dépendance dans laquelle elle sinstalle alors
En arrière-plan : la société anglaise, les milieux qui se confrontent, la bourgeoisie bohème à laquelle appartiennent Virginia et Léonard, laristocratie, monde de Vita, de son mari, de leurs amis.
Christine Orban fait revivre ce petit monde dintellectuels autour de Vita et de son mari Harold, de Virginia et de Léonard, les dîners littéraires, les réceptions au château de Knole, la demeure familiale de Vita, quelle perdit à la mort de son père comme lexigent les lois anglaises fondées sur la transmission masculine du patrimoine aristocratique.
Au-delà de la description de cet épisode de la vie de Virginia, Christine Orban s'interroge - et le lecteur à sa suite - sur les chemins tortueux de la création - ici littéraire - qui se nourrit sans scrupules de la réalité pour en refaire autre chose, que lon peut considérer comme plus vrai
Un point central du roman : les angoisses de Virginia qui ne parvient pas à écrire autant quelle le désire : «Je suis à bout. Il y a des jours où je me dis que je ne finirai pas Orlando. Cest affreux ce sentiment de nêtre rien du tout. Je ne gagne même pas dargent, jai quarante-cinq ans, je suis vieille, laide, mal fagotée, aigrie, maigre et malpolie. Je me déteste» (lettre à Vita Sackville-West, Monks House, le 17 mars 1928). Elle est aussi jalouse, terriblement. Vivre lui est douloureux. Christine Orban montre à quel point pour Virginia la création lemporte sur la vie elle-même. Dernière phrase du récit : «Limportant était dachever le livre».
Entre roman et biographie, un récit agréable à lire sur un auteur dont on fait aujourdhui lune des grandes féministes des années trente. Virginia et Vita devrait être une invitation à se replonger dans luvre de Virginia Woolf : Orlando sans doute, mais davantage encore Mrs Dalloway ou Les Vagues.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 05/12/2014 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Virginia Woolf et Vanessa Bell de Jane Dunn Toute passion abolie de Vita Sackville-West | | |
|
|
|
|