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Les dessous de la société marocaine | | | Hicham Tahir Jaabouq Casa-Express Editions 2012 / 12 € - 78.6 ffr. / 128 pages ISBN : 978-9954912218 FORMAT : 15,0 cm × 28,0 cm
L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française, professeur certifié en Lettres Modernes. Il enseigne actuellement les lettres et la philosophie en Allemagne, à lEcole Européenne de Karlsruhe. Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), il est l´auteur de Hervé Guibert, vers une esthétique postmoderne (LHarmattan, 2007) et de LAventure singulière dHervé Guibert (Mon petit éditeur, 2012). Il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org. Imprimer
Hicham Tahir, jeune écrivain marocain de 23 ans, sest déjà fait remarquer à deux reprises avant que ne paraisse son premier livre, Jaabouq, que publient aujourdhui les éditions Casa Express. Il a dabord contribué au recueil Lettres à un jeune marocain (Seuil, 2009) puis à la revue Nejma (2010) consacrée à Jean Genet, les deux fois sous la direction dAbdellah Taïa qui a su repérer plus que la graine dun talent, une véritable plume, déjà bien trempée et affirmée.
Dans Jaabouq, cest du Maroc dont il est question. Le vrai, pas celui des cartes postales, ni des guides touristiques. Un Maroc doù lon part pour essayer datteindre lEurope, cet Eldorado. «Mama Africa», le personnage éponyme de la deuxième nouvelle, une Burkinabée, transite par le Royaume pour espérer rejoindre les côtes espagnoles. Pour survivre avec ses deux enfants et «soffrir» le voyage sur une barque qui lui permettra de traverser la Méditerranée, Mama Africa fait des ménages, vend son corps, sans cependant jamais donner son âme
Mais lEurope est loin, toujours trop loin pour ceux qui viennent dAfrique.
«Ce soir je décédais» aborde les thèmes du secret familial, du viol, de la peur, du silence et de la solitude. La famille, cette cellule dite protectrice, renferme parfois des prédateurs qui dévorent les plus faibles. Dans «Assim», Hicham Tahir évoque la vie dun homosexuel assumé qui fait le bonheur de ses amies et de leurs amis, de façon différente. Au Maroc, il vit, il survit car «ici on fait, mais on ne parle pas. Le silence est roi et les regards ne sont que des chuchotements dans les oreilles des sourds».
Il est aussi question damour, de la volupté de deux corps qui se sont aimés dans «Te souviens-tu de nos baisers ?». Le narrateur cherche à ressusciter là, par lécriture, la sensualité de baisers évanescents. Ailleurs, dans une lettre, un certain Issam Tahrir, que nous imaginons être un double de lauteur, règle ses comptes avec son père. «Pour un père» est une lettre-deuil, une manière daccepter un manque, une absence. De tourner la page et de continuer.
Il y a du talent dans ce Jaabouq, dont on donne ici le ton. Une écriture déjà. Une écriture courageuse, qui plus est, qui parle, qui dit sans fard ce quil y a à dire, qui ne sembarrasse pas des tabous. Une écriture libérée et libératrice. Qui fait plaisir à lire et que lon aime à partager.
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 28/01/2013 ) Imprimer | | |