|
Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Géraldine Maillet Splendour Grasset 2014 / 14,90 € - 97.6 ffr. / 150 pages ISBN : 978-2-246-85213-1 FORMAT : 13,2 cm × 20,5 cm Imprimer
Le 29 Novembre 1981, alors quelle fête Thanksgiving sur un bateau, avec son mari Robert Wagner et Christopher Walken (son amant ?), Natalie Wood (1938-1981) se noie dans la baie de Santa Catalina. Elle avait 43 ans. Plus de trente ans après le drame, sa mort reste mystérieuse et laffaire non élucidée. Que faisait lactrice (qui ne savait pas nager) dans leau en pleine nuit ? Que faisaient le commandant de bord ainsi que les deux acteurs au moment du drame ? Pourquoi lalerte a-t-elle été donnée une heure trente après sa disparition ? On retrouve le corps sans vie de la jeune femme flottant à deux kilomètres du Splendour, le bateau de Wagner.
Les trois hommes sont interrogés. Le commandant parle dune dispute entre le mari et la femme, dune soirée bien arrosée également ; ce qui ne donne pas dindices fiables quant au déroulement de la soirée. Wood, éméchée, serait tombée à leau et se serait noyée alors que les deux acteurs se saoulaient dans la cabine ; ou bien Wagner aurait-il jeté lactrice par-dessus bord, jaloux de la relation quelle entretenait avec Chris, son partenaire dans Brainstorm, le dernier film de Natalie ?... Mais que faisait alors lamant Walken en compagnie du couple remarié (Wagner et Wood se sont mariés en 1957 puis en 1972). Alors que des révélations de Dennis Davern, le commandant de bord, viennent relancer lenquête en 2012, ainsi que des questionnements sur les ecchymoses retrouvées sur les bras de Wood, Wagner se refuse à tout commentaire. Il na rien a rajouter de ce quil a dit à la police en 1981. Donc on ne saura jamais rien. Seul Walken et Wagner connaissent la vérité du drame. W ou le souvenir de jeunesse
Géraldine Maillet (né en 1972) est romancière, et la fin tragique dune actrice à la vie aussi romanesque intéresse forcément une romancière. Dans un monologue intérieur, elle se glisse dans lesprit de lactrice en ce jour de novembre 1981 et rapporte ses humeurs, ses désirs, ses frustrations, sa tristesse, ses souvenirs, ses reproches et ses désillusions, ce dans un torrent de pensées plus ou moins hallucinées, en tout cas débridées, reflets d'une vie quelque peu mouvementée : son remariage raté avec Wagner qui prend du poids, sa relation extra-conjugale avec lacteur Christopher Walken, silhouette élancée au regard de glace, puis ses innombrables souvenirs de sexe avec Nicolas Ray, James Dean, Warren Beatty, Elvis Presley, etc. Jusquà ce suicide involontaire, cette chute, mise en abîme des chutes de Splendor in the Grass, le présage maudit qui annonçait la fin tragique du personnage de Deanie qui se noie.
La mort de Natalie, elle, arrive au bon moment selon Maillet qui trouve cette bonne idée de se mettre dans la peau de lactrice : elle meurt au moment où sa vie et sa carrière sécroulent. Lidée est bonne ; l'ennui, cest quil faut ensuite du talent pour en faire un roman.
A lire Géraldine Maillet, on apprend que Natalie Wood était une nymphomane sur qui le tout Hollywood serait passé. Le langage est cru, trop cru : «Je sens le graillon du Dougs Harbor Reef. Mes doigts encore la chair du crabe caoutchouteux. Ma chatte je ne sais plus trop quelle queue. Pas aussi irrésistible que je voudrais. Paupières charbonneuses assorties au ciel. Haleine dans le bordeaux tannique» (p.19). Le ton est scandé par des phrases nominales volontairement choquantes. Natalie est certes lyrique mais obscène et vulgaire.
On écoute alors la complainte dune actrice complexée dans une sorte dautobiographie décomplexée. Le monologue est assez pompeux et détaille ses aventures sexuelles avec les acteurs alors à la mode. Wood devient une Marilyn brune alors que la comparaison na pas forcément lieu dêtre. La carrière de la jeune femme est marquée par des chefs duvre assez rapidement : La Fureur de vivre, West Side Story, La Fièvre dans le sang, Propriété interdite, autant de très grands films qui révèlent un talent intéressant, une beauté surtout qui fait craquer les hommes. Son destin était-il vraiment celui dune nymphomane délurée que la quarantaine aurait rendue complètement hystérique ? « - Alors tu tes dit quoi, petite frappe. Elle est frigide ou cest moi qui my suis pris comme un manche ? Elle jouit parfait, cette salope ? Elle a fait semblant ou je suis juste un ténor de la baise ? Davern, fils de pute, dis à maman ce que tu as pensé delle ! (
) Vidée. Me suis vidée. Je maffale sans la moindre énergie vitale. Je dois être vilaine. Lalcool et les antidouleurs me rendent novice. Quon me donne de lalcool, du foutre et des médocs. Je veux être ton sur ton avec ma nature profonde».
A moins que Maillet ne fasse un transfert de ses fantasmes sur Natalie Wood quelle a trop admirée quand elle était mannequin, on ne comprend pas bien pourquoi on assiste à un tel déferlement de haine. On nage dans linterprétation ''borderline'' et déplacée (la mère tyrannique, les amants obsédés et les pulsions morbides). Du coup, on napprend rien et sûrement pas pourquoi la pauvre actrice a fini dans leau. Quant à Wagner et Walken, ils font pitié à lire, lun bedonnant, lautre posant en amant sensuel lecteur de Dostoïevski. Cest dautant plus dommage qu'il nexiste aucune biographie traduite en français de lactrice icône des années 50-60, qui mériterait amplement un grand livre sur sa vie et sa carrière. Cet ersatz de roman déçoit donc beaucoup.
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 21/05/2014 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Prime Time de Géraldine Maillet French Manucure de Géraldine Maillet | | |
|
|
|
|