|
Littérature -> Romans & Nouvelles |
| |
Le Bien, le Mal... et vice versa | | | Benoît Duteurtre L'Ordinateur du paradis Gallimard - Folio 2016 / 7,10 € - 46.51 ffr. / 240 pages ISBN : 978-2-07-079272-6 FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm
Première publication en août 2014 (Gallimard - Blanche) Imprimer
Benoît Duteurtre revient avec LOrdinateur du paradis à sa veine fantaisiste, mêlant réalisme et imagination dans une critique de la modernité, comme dans La Petite fille et la cigarette ou La Cité heureuse.
Un homme, fraîchement décédé, nommé Simon Laroche, haut fonctionnaire bon teint, marié avec enfant, découvre un peu ahuri quil est arrivé au paradis où sévissent des normes drastiques d'hygiène et de sécurité. Le récit retourne alors à sa vie terrestre quand, à cause dune simple phrase filmée à son insu - il avait déclaré à une journaliste : «Jen ai marre des femmes et des gays !», sa vie s'en est trouvée perturbée ; la presse se déchaîne, on lui demande de faire son autocritique et de sexcuser, sans quoi il risque dêtre licencié. Au même moment, Internet se met à rééditer d'anciens courriels éliminés sur les ordinateurs d'autres personnes, alors qu'un projet de pénalisation des images pornographiques risque de mettre fin aux escapades érotiques (à coups de vidéos) de Simon Laroche sur la toile.
Benoît Duteurtre fait donc le choix de la fable pour pointer les travers de la société actuelle, la violation de la vie privée ou encore la hargne d'associations en tout genre qui, sûres de leur humanisme auto-proclamé, et à légal des staliniens et des curés dantan, se déchainent dans les médias pour réclamer de nouveaux droits, de nouvelles sanctions, de nouvelles exclusions au point den rendre malade la société entière. Dans cette entreprise d'épuration éthique, ces organisations ne cherchent plus à comprendre lhistoire passée mais à la juger simplement, et semblent ignorer que la bêtise et lintolérance peuvent resurgir sous des formes nouvelles et insoupçonnées...
Par cette critique romanesque sinscrivant dans le sillage de Philippe Muray que l'auteur connaissait bien -, Benoît Duteurtre (homosexuel lui-même) se sépare donc des agissements de ces mouvements qui peuvent causer le pire en pensant arriver à établir un monde idéal, débarrassé du ''Mal''. Dès le début, le roman suggère que ce paradis est en fait cauchemardesque, un monde nouveau de surveillance généralisée et de soumission au ''Bien''. Voir par exemple le tableau critique de ces deux jeunes banlieusards qui, en prenant des airs rebelles, sadaptent à l'ordre établi en singeant à rebours le discours féministe.
Le style de Benoît Duteurtre est toujours aussi limpide, apparemment simple et léger, pour ôter tout fiel à sa critique. Il semble cependant que cette vision si pertinente soit desservie par la narration et une intrigue un peu trop facile de la part de cet auteur. Le déroulement est un peu trop sommaire, les péripéties manquent de complexité pour dépasser ce premier stade de la critique, les détails concrets manquent à lappel et les situations ratent labsurde, voire manquent dhumour. On attendait plus de mordant. A cet égard, La Cité heureuse était un roman plus abouti, nous semble-t-il.
Yann Leloup ( Mis en ligne le 24/10/2016 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:L'Été 76 de Benoît Duteurtre A nous deux Paris ! de Benoît Duteurtre La Cité heureuse de Benoît Duteurtre | | |
|
|
|
|