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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Solomonica de Winter Je m’appelle Blue Liana Levi 2015 / 18 € - 117.9 ffr. / 236 pages ISBN : 978-2-86746-786-8 FORMAT : 14,2 cm × 21,0 cm
Jean-Luc Defromont (Traducteur) Imprimer
Voici un premier roman très prometteur écrit à seize ans par une jeune fille qui, après plusieurs années passées aux USA, est revenue vivre avec sa famille aux Pays-Bas, son pays natal.
Blue (en réalité Melody), treize ans, est mutique depuis cinq ans, traumatisée par la mort de son père, Ollie, survenue lors dun braquage. Mais il lui a fait don de la plus belle chose au monde pour Blue, un livre, Le Magicien dOz, quelle vénère et qui la suit partout.
Tout comme Dorothy voulant retrouver son Kansas natal après des aventures féériques, Blue aimerait retrouver sa vie davant, harmonieuse et pleine d'amour. Ce livre est un lien avec Ollie dont elle refuse d'accepter la mort. Elle aimerait faire partie du monde magique dOz, au-delà de larc-en-ciel (titre du roman dans sa version originale).
Mais tout a basculé, sa mère est devenue toxicomane et vit de petits boulots misérables, elles vivent dans un grand dénuement et Blue, livrée à elle-même, nourrit une obsession de plus en plus précise : tuer James pour venger son père. Elle a un jeune ami, Charlie, qu'elle surprend un jour avec sa fiancée... et tout sécroule à nouveau ; la déception est immense, à la mesure de ses espoirs. Blue écrit sa confession au psychiatre qui la suit ; cest ainsi quon découvre sa vie torturée, ses pulsions de mort, lhorreur dune âme adolescente déchirée, sa violence et ses démons. Le récit, fascinant, va crescendo jusquà la chute finale. «Daisy croyait que cétait pour mamuser que je ne parlais pas. Alors que jattendais que quelquun entende mes cris silencieux. Mais personne nentendait rien»(p.41).
Blue se réfugie dans la lecture de son livre magique sans abandonner ses projets funestes ; pendant que sa mère se détruit, elle se construit grâce à son livre tout en restant dans la folie et la tristesse. Elle réalise cependant que cette folie est une protection, un leurre, qu'elle est pleinement responsable de ses actes : «Cest là, à ce moment-là que jai pris conscience que je ne devais pas tuer James juste pour moi. Pour Daisy aussi. Pour Charlie (
). Pour mon père» (p.162).
La réflexion sur la violence, la description des traumatismes, de la montée en puissance de sa haine et la perte peu à peu du contrôle sont très détaillées et captivantes. Le récit évoque aussi la pauvreté, la difficulté de vivre dans les grandes villes américaines, l'endémie de la petite délinquance. On éprouve de lempathie pour cette jeune paumée dont le bien le plus précieux est un livre.
Le style est très agréable. On aime ce jeu sur les mots, la mise en abîme sur la littérature et le pouvoir de limaginaire. Un premier roman inventif à lire... jusqu'à la chute...
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 07/12/2015 ) Imprimer | | |
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