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Ulysse des temps modernes | | | Joshua Ferris Le Pied mécanique JC Lattès 2011 / 22 € - 144.1 ffr. / 362 pages ISBN : 978-2-7096-3530-1 FORMAT : 14cm x 22,5cm
Dominique Defert (Traducteur) Imprimer
Tim Fanrsworth a tout pour être heureux, la réussite matérielle et affective : une femme élégante, intelligente et aimante, une fille quil adore, même si Becka est trop ronde et cache son mal être sous des tenues agressives et une musique qui ne lest pas moins.
Tout
sauf que, à intervalles réguliers, survient LA crise : il doit marcher, marcher à tout prix ; ses jambes prennent le pouvoir, indépendantes de son esprit, de son corps même dune certaine façon. Il se lève et marche, par tous les temps, à tout moment, des heures, devant lui, jusquà seffondrer nimporte où, profondément endormi, pour mieux repartir ensuite. La crise sinstalle sur des durées plus ou moins longues, et se termine brutalement sans préavis. Patiente, Jane, sa femme, le cherche, le retrouve dans la nuit new-yorkaise aux endroits les plus incongrus de Manhattan, laide à organiser ses errances à défaut de pouvoir les planifier. Ils ont tout tenté : le menotter, lenfermer dans sa chambre, consulter tous les médecins et charlatans, médecine «dure», médecine «douce», psychanalyse ; le remède sest toujours avéré pire que le mal, alors ils se sont résignés à laisser Tim se laisser emporter par la marche, en essayant de limiter les dégâts tant bien que mal et pour lui et pour son entourage.
La marche : métaphore de la seule liberté qui reste à lindividu dans les sociétés contemporaines, individu emprisonné dans son confort, son quartier, ses habitudes
La fuite en avant : un thème que décline dune autre façon Douglas Kennedy dans son dernier roman (Cet instant là). Ulysse : nouveau héros de notre époque ! Jane est ici parfaite en Pénélope attentive qui récupère son héros épuisé et sefforce daccomplir sa mission impossible : laider à partir tout en lencadrant en douceur. Le risque sans ses inconvénients en quelque sorte, avec toute une image aussi de notre société occidentale hantée par le principe de précaution
Ceci dit, que reste-t-il du livre une fois celui-ci refermé ? Son auteur (né en 1974) a été acclamé par la critique américaine (Le Pied mécanique est son second roman après Open space en 2007) qui a volontiers vu en lui un espoir prometteur de la littérature américaine ; le New Yorker la classé parmi les vingt meilleurs auteurs de moins de 40 ans. Certes, ce roman est séduisant à plus dun titre : loriginalité (relative) du sujet, les longues pages de description des marches hallucinées du héros, sa fin
Pour autant, les faiblesses ne manquent pas non plus : si le décor est constamment bien campé, en revanche les personnages qui lhabitent sont transparents, sans vraies personnalités, inscrits dans des rôles convenus : l'épouse dévouée, la fille rebelle, les collaborateurs efficaces ; les passages où le héros et son entourage cherchent à comprendre lorigine de sa «maladie» - maladie orpheline, origine psychosomatique ? - sont un peu longs, médiocrement convaincants. Le lecteur demeure sur sa faim et peut éprouver limpression de sêtre laissé entraîner bien loin, pour
pas grand-chose : tout ça pour ça
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 05/10/2011 ) Imprimer | | |