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Poches -> Littérature |
| John Updike Terroriste Seuil - Points 2009 / 7 € - 45.85 ffr. / 319 pages ISBN : 978-2-7578-1396-6 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication française en mars 2008 (Seuil).
Traduction de Michèle Hechter. Imprimer
John Updike est un romancier hyperactif et de génie, maintes fois primé au fil dune carrière vieille dun demi-siècle cette année : chapeau bas. Ses romans sont toujours attendus, puis dévorés, rarement mal digérés. Ce dernier ne fait pas exception.
Dans les brumes des attentats du 11 septembre, des romans se dressent, depuis 5/6 ans, cicatrices en formes de mots, fictions marquées au sceau de la tragédie. Effet de mode ? Thérapie collective ? Coïncidence éditoriale sous nos latitudes ? Le fait est que plusieurs romans sortent concomitamment en France : celui-ci, Les Enfants de lempereur de Claire Messud ou encore LHomme qui tombe de Don Delillo. En France, les ruines du World Trade Center encore chaudes, un Beigbeder, moins traumatisé quopportuniste, se jetait un peu trop tôt dans la niche éditoriale avec son Windows on the world. Quant au cinéma et à la télévision
Avec Terroriste, John Updike se situe à notre époque, quelques années après septembre 2001, sans doute pour nous dire en partie que rien na changé, sans doute aussi pour nous décrire une société qui linquiète. Il se met dans les habits dun jeune fanatique, Ahmad, lycéen américain de père Arabe et de mère Irlandaise, le père parti très tôt, la mère assurant comme elle le peut. Pour masquer lentremêlement des gènes, Ahmad a trouvé dans les enseignements de son imam toute une vision du monde, à laquelle il adhère aveuglément. Car en plus de lui donner une solide assise identitaire, dans un complexe ddipe presque grossier, elle lui permet de conforter sa propre lecture du monde, pas si lointaine de celle quen fait le vieil Updike : «Ahmad, né en Amérique, sintéresse moins aux poches de civilisation moyen-orientale diluée quà la réalité américaine, suppurant partout autour de lui un échec qui lui inspire une légère pitié».
Livresse née de la lecture des sourates, sous lautorité de son père spirituel, dans sa mosquée délabrée de sa ville déclassée, à la périphérie de Manhattan, le conduit à accepter à petit feu son sort : le sacrifice, istihhãd en arabe. Ahmad sera lun de ces kamikazes de Dieu, vengeur contre un peuple quil juge déchu, donc coupable. Un parrain le convainc de la chose, Charlie Chehab, jouisseur et débonnaire musulman, lui aussi américain, mais pas moins fanatisé, semble-t-il. Pour len dissuader, un conseiller dorientation de son lycée, Jack Levy, homme entre deux âges, fatigué dun mariage avec une femme devenue obèse et téléphage, fatigué dun système scolaire en échec, fatigué de tout : «Il se voit en vieux bonhomme pathétique, criant sur la berge en direction dune flottille de jeunes qui glisse vers le marécage fatal dun monde aux ressources réduites, aux libertés rognées, esclaves dimpitoyables publicités au service dune absurde culture populaire ivre de musique incessante, de bière et de jeunes femmes incroyablement bien faites, incroyablement minces». Sur les bancs de lécole, Ahmad croise la jeune Joryleen, ado black à la voix dange, qui chante des gospels mais mène sinon une vie diluée ; il la plaint mais laime un peu aussi
Le roman suit le jeune islamiste jusquà lattentat prémédité, un autre 11 septembre. Comme une démonstration littéraire, hélas trop appuyée : tous, dans ce roman, diagnostiquent une société atteinte danomie, moribonde. Seuls les moyens divergent, entre résignation, obésité et attentat à la bombe. On pense, dans un autre siècle, aux romans à thèse des réactionnaires Paul Bourget et Henry Bordeaux : les personnages ne sont que des pions dans une intrigue sentant trop son C.Q.F.D. Pour le reste, évidemment, un bon roman, et un bon moment de lecture.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 18/05/2009 ) Imprimer
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