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La Féline avec Jacques Tourneur, Simone Simon, Kent Smith, Tom Conway, Jane Randolph Montparnasse - RKO 2005 / 12.99 € - 85.08 ffr. Durée film 112 mn. Classification : Tous publics | Sortie Cinéma : 1942, Etats-Unis
Titre original : Cat People
Version : DVD 5/ Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (noir et blanc)
Format audio : Anglais, Français (MonoDolby Digital))
Sous-titres : Français
Bonus :
Présentation de Serge Bromberg
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Irena Dubrovna, une jeune styliste, vit seule, loin de sa terre natale, la Serbie, dans un splendide appartement new-yorkais. Au jardin zoologique situé à deux pas de chez elle, elle vient régulièrement admirer une superbe panthère noire qui, irrésistiblement, lattire. Lors dune de ces promenades au zoo, elle rencontre Oliver Reed, un architecte naval. Les deux jeunes gens sympathisent, se séduisent et décident de se marier. Irena, devenue madame Reed, refuse cependant dembrasser son époux. Une vieille légende de son village natal hante en effet son esprit. Depuis lépoque des invasions mamelouks que connurent la Serbie, les femmes de ce village seraient possédées par le "Mal". Sous lemprise de la jalousie, de la colère ou poussées par leurs passions, elles se transformeraient en félin meurtrier. Un seul baiser échangé avec un amant suffirait à réveiller leurs mauvais instincts et les inciterait à le tuer. Descendante de ces félines, Irena est persuadée dêtre lune dentre elles
En 1942, Jacques Tourneur, cinéaste américain dorigine française, quitte la MGM et rejoint les studios de la RKO. Il y retrouve son ami Val Lewton, producteur et scénariste, qui vient de créer un département de production spécialisé dans le film de terreur à petits budgets. Les deux hommes, unis par une profonde entente artistique et intellectuelle, vont ensemble réinventer le genre. Les contraintes financières imposées par la RKO sur le projet de Cat People (La féline), loin dêtre un obstacle, attisent leur imagination. Puisquils ne peuvent réaliser un film à grand spectacle, ils ne montreront pas lobjet de la terreur. La crainte, la peur, langoisse seront suscitées chez le spectateur par une utilisation habile de la lumière et des sons.
Tout lart de Jacques Tourneur consistera donc à suggérer plutôt quà montrer. Dès lors, les ambiances dombres et de lumière savamment composées, le clair-obscur, les lumières tamisées simposent. Quoi de plus effroyable, en effet, quune présence invisible tapie dans la pénombre
ou quune ombre furtive au contour insaisissable ! Tourneur sattache par ailleurs à rendre la lumière tangible, concrète. Il inclut systématiquement dans ses plans les sources lumineuses qui composent léclairage. Sans lumière additionnelle, une lampe à pétrole, un feu de cheminée ou un réverbère confèrent au plan une réalité teintée détrangeté.
Toutefois, la pénombre ou un lieu sombre, ne sauraient provoquer seuls lappréhension. Et cest tout le génie de Tourneur que davoir utiliser la dimension inquiétante des
sons. A laube de lhumanité, louïe et le flair surpassent la vue. Dans la nuit, dans la pénombre des forêts, dans lobscurité des cavernes, lhomme, animal frêle et sans défense, doit se tenir sur ses gardes. Prévenir tout danger est primordial à la survie de son espèce. A laffût du moindre indice, il écoute. Aujourdhui encore, malgré une réorganisation profonde de la hiérarchie des sens, louïe conserve sa fonction dalerte quand voir est impossible. Loreille, comme lécrivait Nietzsche dans un aphorisme dAurore, est lorgane de la crainte. Tourneur la bien compris. Il joue, par exemple, admirablement du caractère ambigu des sons. Les sons, souvent fugaces, sont des indices. Ils ne définissent que rarement la source qui les émet. Lidentification précise impossible, le cerveau humain a recours à des associations libres guidées par limagination : et si cétait
et si cétait le grognement dun félin. A moins que cela ne soit que le grondement dun moteur dautobus
Une autre caractéristique du cinéma de Tourneur est dimmerger le spectateur dans un univers familier, tout à fait identifiable, pour le faire basculer petit à petit dans un monde plus ambigu où linexplicable et létrange ont leur place. Dans La féline, le personnage dOliver Reed mène une vie tranquille et sans soucis. Il a un métier, un lieu de travail, des collègues. Bref, il rassemble toutes les caractéristiques de lAméricain moyen, nécessaires pour que le spectateur puisse aisément sidentifier à lui le film propose, également, aux spectatrices un équivalent féminin dOliver : Alice Moore, sa collègue de travail. Avec lirruption dIrena, le monde dOliver Reed, lentement, va vaciller.
Tourneur procède tout en douceur en commençant par semer quelques indices : les petites incongruités dIrena elle aime la nuit, les cris des félins la bercent, sa présence effraye les animaux. Puis ensuite, il suggère linconcevable et sème le doute en introduisant dans le récit un personnage incrédule, le Docteur Judd. Le jugement des principaux personnages et le notre oscille entre ce quil croit voir (ou souhaite voir) et les explications très rationnelles du psychiatre : Irena est-elle victime de ses croyances ou peut-elle réellement se transformer en panthère ? Enfin, dans les toutes dernières séquences, Tourneur lève le doute.
Cette histoire, celle dune femme qui refuse dembrasser son époux de peur de se transformer en panthère et de le tuer, peut-être laurez-vous compris, a valeur de métaphore. Sexualité et animalité, sexualité et désir de mort, sont les thèmes enfouis de La féline. Développer ces thèmes mènerait à une interprétation très subjective et forcément dommageable à la vision du film. Laisser à chacun la liberté de voir et dinterpréter La féline, comme il lentend, avec sa propre expérience, sa propre exploration du territoire de lintime. Laisser le film sinsinuer en chacun et agir dans les coins les plus reculés de sa conscience. Voilà la plus sage des décisions.
Stéphane Gauchon ( Mis en ligne le 20/09/2005 ) Imprimer
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