Mathieu Da Vinha Perrin - Tempus 2009 / 12 € - 78.6 ffr. / 668 pages ISBN : 978-2-262-03044-5 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en septembre 2004 (Perrin)
L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris-I-Sorbonne, Thierry Sarmant est conservateur en chef du patrimoine au Service historique de l'armée de Terre. Il prépare, sous la direction du professeur Daniel Roche, une habilitation à diriger des recherches consacrée à "Louis XIV et ses ministres, 1661-1715". Il a publié une vingtaine d'articles sur l'histoire politique et culturelle de la France moderne et contemporaine et six ouvrages dont Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003)et La Roumanie dans la Grande Guerre et l'effondrement de l'armée russe (1999). Imprimer
De tout temps, lentourage des princes est un objet de fantasme. Les grands, les ministres, les généraux, les notabilités gouvernementales et administratives, bref lappareil extérieur de lEtat, jouissent du prestige attaché au pouvoir. Mais le cercle intérieur, combien plus secret, où figurent les favoris, les familiers, les maîtresses et les domestiques, excite bien davantage la curiosité ou la malveillance. Sous les Bourbons comme sous les présidents de la Ve République, il ne cesse dengendrer une abondante littérature, que les historiens prennent parfois trop facilement pour argent comptant.
Le livre de Mathieu Da Vinha rompt avec cette tradition de romanesque facile. Étudiant lentourage domestique de Louis XIV, il noublie pas que les Nyert, les Blouin et les Bontemps ont survécu dans le légendaire de lhistoire de France, comme tant de leurs contemporains, grâce aux Mémoires de Saint-Simon, mais il confronte le récit du petit duc aux écrits de témoins moins partiaux et aux documents épars dans les archives de Paris et de Versailles.
De cette mise en perspective, il ressort que les valets de chambre du roi-soleil ne furent pas aussi puissants que le célèbre mémorialiste, qui a beaucoup glosé sur leur rôle despions privés du monarque, aimait à le répéter. Leur magistère était dinfluence, et cette influence était limitée par celles dautres familiers comme par la forte personnalité de Louis XIV, toujours maître de lui, dans son intérieur comme à la tête de lEtat. Dans la hiérarchie sociale de lAncien Régime, la position des valets de chambre était ambiguë : le service personnel du roi les rapprochait du sommet de lédifice, tandis que leurs fonctions les rattachait à la condition servile. Généralement issues de la moyenne bourgeoisie, les familles des premiers valets de chambre sintégraient en deux ou trois générations à la noblesse de robe. La fortune leur venait avant la considération.
Le vrai pouvoir des principaux dentre eux tint du cumul de charges et de missions officielles ou officieuses que le roi réunit sur leur tête : ainsi Alexandre Bontemps, premier valet de chambre du roi et intendant de Versailles et de Marly, ou son fils Louis-Alexandre, capitaine de la Varenne du Louvre et gouverneur des Tuileries. Ce cumul nest pas indifférent. Autant que de la faveur des valets, il témoigne de la volonté de Louis XIV de conserver sur son environnement immédiat un contrôle direct. Les détails de la vie quotidienne que rapporte Mathieu Da Vinha révèlent que la sécurité du monarque est une véritable obsession : il y a là une contradiction entre lidéologie affichée du régime, qui fait de laccessibilité du prince un des grands traits qui distinguent la monarchie française du despotisme, et ses pratiques effectives, marquées par les mauvais souvenirs des régicides et des guerres civiles.
Avec Les Valets de chambre de Louis XIV souvre une enquête prometteuse sur lancienne société de cour, aussi loin des légendes dorées que des légendes noires.
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 21/07/2009 ) Imprimer |